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Éthiopie : nouvelle guerre civile

La guerre a éclaté mardi 3 novembre entre le pouvoir central éthiopien installé à Addis-Abeba et les autorités du Tigré, l’un des États qui composent cette fédération. Les deux camps la préparaient depuis plusieurs mois, et les populations pauvres de la région en sont d’ores et déjà les principales victimes.

Les autorités du Tigré n’acceptent pas que les élections générales, initialement prévues en septembre dans tout le pays, aient été repoussées à une date indéterminée par le Premier ministre, Abiy Ahmed. Elles y voient une manœuvre de sa part pour prolonger abusivement son mandat et ont donc organisé le 9 septembre leurs propres élections législatives dans l’État du Tigré, avant de déclarer qu’elles ne reconnaissaient plus le pouvoir central.

Pendant presque trente ans, de 1991 à 2018, le gouvernement éthiopien a été entre les mains d’hommes issus du Tigré. Les habitants de cette région ne représentent que 6 % de la population, alors que les autres ethnies, Oromos et Amharas, sont environ 60 %. Les ministres, hauts fonctionnaire et chefs de l’armée tigréens ont systématiquement spolié les autres groupes, chassant les paysans de leurs terres pour les vendre à de gros capitalistes ou à des trusts impérialistes et réprimant violemment toute opposition. En 2018, le vent pouvait sembler avoir tourné avec la nomination d’un Premier ministre Oromo, Abiy Ahmed. Il reçut même le prix Nobel de la paix 2019 pour avoir mis fin à la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Cependant, tout Oromo et prix Nobel qu’il soit, Abiy Ahmed ne s’est pas privé de manier la répression, y compris contre l’ethnie dont il est issu.

L’affrontement entre les dirigeants tigréens et Abiy Ahmed, qui a abouti à la guerre, est un moyen pour les uns et les autres de souder autour d’eux les habitants de leur région. Les combats sont déjà meurtriers pour les populations. En une semaine, ils ont fait des centaines de morts. La population tente massivement de s’enfuir vers le Soudan, malgré l’armée soudanaise qui bloque la frontière. Les maux de la guerre s’ajoutent à ceux qui ont frappé le pays, telles l’invasion de criquets pèlerins, la pire depuis vingt-cinq ans, qui a ravagé les récoltes, l’épidémie de coronavirus ou encore la crise économique mondiale.

L’arme de l’ethnisme, utilisée des deux côtés par les dirigeants, est le pire des pièges pour les travailleurs du pays. La classe ouvrière éthiopienne est multi-ethnique. Dans les usines textiles travaillent au coude à coude des ouvrières et des ouvriers chassés des campagne par la misère ou l’accaparement de leurs terres. Leur ennemi, ce sont les trusts internationaux et les intermédiaires éthiopiens dont ils font la fortune, et pas les travailleurs d’une autre ethnie ou d’une autre région.

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