Blanquer et la jeunesse : valeurs patriotiques, non merci04/11/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/11/2727.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Blanquer et la jeunesse : valeurs patriotiques, non merci

L’enseignement des valeurs de la république comme rempart contre la montée de la barbarie, voilà ce que le gouvernement, tout comme l’ensemble de la classe politique, jusqu’aux syndicats, propose aux enseignants.

Ces derniers, à la recherche de la meilleure façon de s’adresser à leurs élèves lors de l’hommage à Samuel Paty et, pour certains, se demandant que faire au-delà, se sont ainsi retrouvés sommés de lire, avant la minute de silence, une lettre adressée aux instituteurs par Jean Jaurès en 1888. Alors jeune député radical et admirateur de Jules Ferry, il écrivait : « Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés […] sont Français et ils doivent connaître la France. » Quelques vidéos étaient aussi proposées, dont celle où on pouvait voir et entendre le rappeur Abd al Malik lire le texte de la Marseillaise.

L’amour de la patrie est donc ce qui est censé ouvrir les esprits de la jeunesse scolarisée. Et Blanquer d’en appeler à la mobilisation des enseignants, nouveaux « hussards de la république », reprenant ainsi une expression utilisée plusieurs années après le vote des lois Jules Ferry sur l’école. Celui-ci s’était fixé dès les années 1880 l’objectif de transformer chaque écolier en patriote, en futur soldat prêt à mourir pour la France. 

L’école a certes quelque peu changé depuis les années 1880, mais sur le fond les objectifs que lui fixe la bourgeoisie sont restés les mêmes. Aujourd’hui, comme hier, les « valeurs de la république » qu’elle voudrait inculquer aux plus jeunes consistent à faire accepter la société telle qu’elle est, avec ses inégalités, ses injustices, à les former dans l’idée que riches et pauvres, exploiteurs et exploités ont les mêmes intérêts. Tous devraient être unis derrière le drapeau français et respecter l’ordre bourgeois.

Or les jeunes des classes populaires se rendent bien évidemment compte que cette république n’est ni égalitaire ni fraternelle. Ils voient leurs parents au chômage, ou qui travaillent pour des salaires ne permettant pas de vivre. Quant à ceux issus de famille immigrées, ils sont bien souvent en butte au racisme. Les attentats tels que celui qui a coûté la vie à Samuel Paty, commis par des intégristes islamistes, renforcent en retour le racisme et l’islamophobie.

L’école n’est pas un rempart, un îlot isolé. Elle reflète la société, les courants qui la traversent. La montée des courants d’extrême droite pèse aussi sur l’école : les courants intégristes islamistes, comme ceux représentés par le RN ou d’autres groupes moins connus qui défendent la même idéologie raciste et xénophobe.

La jeunesse, et en particulier celle des classes populaires, a bien sûr besoin d’avoir accès à la culture, et beaucoup n’ont guère d’autres moyens pour cela que l’école, ce qui la rend indispensable. Mais la jeunesse n’a pas besoin qu’on la trompe par des discours et une morale patriotiques. Elle a besoin de comprendre le monde qui l’entoure et de réfléchir aux moyens de changer de fond en comble une organisation sociale basée sur l’exploitation, qui enfonce la société dans la misère et la barbarie. L’idéal à défendre n’est pas patriotique, mais internationaliste. C’est à cette compréhension aussi que les enseignants doivent aider la jeunesse, même si ce n’est pas écrit dans les programmes scolaires.

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