Dans le monde

Île Maurice : sans moyens face à la marée noire

Dans l’océan Indien, des habitants de l’île Maurice tentent d’endiguer avec des moyens de fortune la marée noire sortie des soutes du Wakashio, un cargo échoué sur la barrière de corail de leur île. Au risque de leur santé, ils ramassent le sable souillé de pétrole, littéralement à la main, fabriquent des barrages avec du chanvre, des résidus végétaux, voire des cheveux.

Deux semaines après le naufrage, l’armateur du navire, la puissante compagnie japonaise Mol, s’est contenté de publier une déclaration dans laquelle il invoque le mauvais temps, s’excuse auprès des populations et promet de prendre ses responsabilités. Les autorités mauriciennes et internationales, quant à elles, semblent avoir attendu jusqu’au 5 août, quand la coque du navire échoué depuis le 25 juillet a commencé à s’ouvrir, pour se demander quoi faire.

On ne sait pas aujourd’hui pourquoi le Wakashio s’est écarté de sa route, n’a pas répondu aux messages radio des autorités mauriciennes et a fini par s’échouer sur un récif connu et cartographié depuis des siècles. Mais on sait que les armateurs réduisent les équipages pour faire des économies et, surtout, que des centaines de milliers de marins sont actuellement au bout du rouleau. Sans relève à cause de la pandémie, ils sont en mer depuis des mois, voire plus d’un an. L’armateur n’a rien dit pour l’instant sur l’état de l’équipage, si ce n’est qu’il est sain et sauf.

Le Wakashio est l’un des 35 000 cargos qui passent par Maurice chaque année, reliant les ports d’Asie à l’Afrique du Sud, au Brésil et même à l’Europe, pour qui veut économiser le coût du passage à Suez. Le développement industriel de la Chine, important des matières premières et exportant des produits finis ou semi-­finis, a multiplié le nombre de cargos passant au large de l’île Maurice. Les autorités mauriciennes ont voulu en profiter en agrandissant leur port et en transformant toute l’île en zone franche. Port-Louis, capitale et grand port industriel de l’île, est ainsi devenu le principal port de transbordement de la région, des centaines de milliers de conteneurs y transitant chaque année. Le port sert également d’escale d’approvisionnement en carburant pour les cargos. Mais, malgré ce trafic intense, malgré ces centaines d’énormes navires passant aux abords de la barrière de corail, entrant, sortant, attendant, Port-Louis ne dispose pas d’un remorqueur de haute mer capable d’aller secourir un gros cargo.

Au moment même où le fuel s’écoule des soutes du Wakashio, les négociations ont repris en Europe pour équiper la Manche, la mer la plus fréquentée du monde, en remorqueurs. Eh bien, alors que de l’aveu même des autorités maritimes les moyens actuels sont insuffisants, les États riverains vont encore les réduire, prenant sciemment le risque qu’une simple avarie à bord d’un navire géant se transforme en catastrophe, faute de moyens de sauvetage adéquats.

Le fait que cela se soit déjà produit à de nombreuses reprises et que cela se produise encore une fois sous leurs yeux n’est visiblement pas de nature à les faire changer d’avis.

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