Beyrouth : arrogance coloniale de Macron

12 Août 2020

Jeudi 6 août, deux jours après l’explosion meurtrière à Beyrouth, Emmanuel Macron s’est précipité sur les lieux de l’accident et a distribué ses bons conseils et ses leçons de morale devant les caméras.

« J’attends des autorités libanaises des réponses claires sur leurs engagements : l’État de droit, la transparence, la liberté, la démocratie, les réformes indispensables », a déclaré Macron, tout en évoquant la « refondation d’un ordre politique nouveau. » Non seulement Macron fait preuve de son arrogance habituelle devant un peuple éprouvé, et qui ne lui a pas demandé de venir, mais il en profite pour exonérer l’État français de toute responsabilité dans la crise politique et financière que connaît le Liban.

C’est pourtant l’impérialisme français qui a créé de toutes pièces, il y a cent ans, le Liban et a mis en place le système confessionnel, en s’appuyant sur la minorité chrétienne pour maintenir son hégémonie. De Mitterrand à Macron, en passant par Chirac, tous les gouvernements ont eu des liens privilégiés avec les familles de la bourgeoisie libanaise qui se partagent le pays. C’est Mitterrand qui a protégé le président actuel Michel Aoun en organisant son exil en France en 1990. C’est Chirac qui a entretenu des liens privilégiés avec le clan Hariri, auquel appartient Saad Hariri, ancien président du Conseil contraint de démissionner sous la pression de la rue en octobre 2019. Chirac a été ainsi hébergé pendant huit des dernières années de sa vie dans un grand appartement parisien de la famille Hariri, la corruption de ces familles dirigeantes important peu aux gouvernements successifs français.

Les banques françaises ont largement profité du système libanais qui conduit aujourd’hui le pays à la faillite. La prospérité illusoire du Liban reposait sur un gigantesque endettement. Les banques françaises, comme la Société générale ou le Crédit agricole, ont prêté de l’argent, comptant sur les taux appétissants de 6 % à 7 %. Les dirigeants de ces banques savaient pertinemment que l’État libanais continuait d’emprunter pour régler les intérêts de la dette et qu’à terme il serait insolvable, mais qu’importe, tant que l’argent rentrait.

Aujourd’hui, hors caméra, Macron et les banques somment l’État libanais de mettre en place un plan d’austérité drastique et conditionnent un nouveau prêt du FMI à ce plan. Bien plus que les embrassades hypocrites et les déclarations d’amour au Liban de Macron, c’est cela qui traduit les véritables intentions de l’impérialisme français à l’égard du peuple libanais.

Aline URBAIN