Ouvriers agricoles : exploitation sans frontières05/08/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/08/2714.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Ouvriers agricoles : exploitation sans frontières

Les nombreux cas de Covid-19 détectés chez les travailleurs saisonniers employés dans les vergers industriels mettent en lumière les conditions désastreuses dans lesquelles vivent et travaillent ces ouvriers agricoles.

Comment se protéger du virus quand on est entassé dans des mobile homes installés en plein champ, des fermes ou des appartements de centre-ville tombant en ruines ? Quand l’absence d’installations sanitaires dignes de ce nom s’ajoute à la promiscuité permanente ?

Dans les vergers industriels de la région PACA, la plupart de ces ouvriers sont des travailleurs détachés, installés en Espagne mais originaires d’Afrique noire ou d’Amérique latine. Ils sont employés par de grandes entreprises espagnoles d’intérim, comme Terra Fecundis, qui se sont spécialisées dans ce marché très profitable.

Terra Fecundis se charge de tout, du transport de ces ouvriers de l’Espagne à la France jusqu’à la surveillance du travail par ses propres contremaîtres. Les conditions d’acheminement des ouvriers jusqu’à leur lieu de travail, entassés dans des bus pendant des jours, sont aussi infectes que les conditions de travail. Là encore, la promiscuité favorise la circulation du virus.

Il n’empêche qu’une circulaire autorisait dès le 20 mai « l’entrée et l’activité de travailleurs détachés et saisonniers agricoles sur le sol français », faisant fi de la fermeture de la frontière avec l’Espagne pour raisons sanitaires. Les témoignages se multiplient de travailleurs saisonniers présents en France dès le mois d’avril, que leurs employeurs avaient donc forcés à se déplacer en plein pic de l’épidémie, sans prendre aucune mesure pour les protéger de la contamination.

Pendant cette période, Terra Fecundis aurait d’abord fait rouler ses bus de nuit, puis aurait utilisé des camionnettes blanches moins identifiables, et circulant sur les petites routes secondaires, pour déjouer la surveillance de la frontière. Mais pour le Journal du Dimanche, qui a enquêté sur la question, certains pensent même que « le ministère de l’Agriculture a mis la pression sur celui de l’Intérieur. Il fallait que les saisonniers puissent passer pour épauler les agriculteurs, qui agitaient le risque de manque de nourriture pour les Français ».

Interviewée le 28 juillet, la ministre du Travail Élisabeth Borne a fait mine de dénoncer les méthodes de Terra Fecundis, mais dans le domaine agricole comme dans tous les autres, les profits du patronat passent avant tout, et le gouvernement ferme les yeux.

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