Psychiatrie : quand une direction met le soin sous clé24/06/20202020Journal/medias/journalarticle/images/2020/06/P12_Interne_hopital_psy_ok_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C123%2C875%2C615_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Psychiatrie : quand une direction met le soin sous clé

Durant le week-end du 8 mai, tous les patients d’une unité de l’hôpital Roger-Prévot de Moisselles, dans le Val-d’Oise, ont été enfermés à clé dans leurs chambres sur décision de l’administration, sous prétexte d’un risque de contamination au Covid.

Illustration - quand une direction met le soin sous clé

Cet enfermement n’était pas une mesure médicale : le médecin de garde présent, mis devant le fait accompli, a refusé de le cautionner. Le 11 mai, une patiente de l’hôpital, enfermée à clé, s’est jetée par la fenêtre de sa chambre.

Ce drame est à la mesure de la maltraitance ressentie par les patients. Un enfermement choquerait n’importe qui, mais en psychiatrie, beaucoup viennent se soigner précisément parce qu’ils sont victimes d’un sentiment de persécution ou d’une intense solitude. Cette mesure rappelle ce qui s’est passé dans certains Ehpad depuis mars, où durant parfois trois mois, des résidents âgés ont été enfermés et privés de visites.

L’équipe soignante, révoltée, a non seulement refusé cette décision d’enfermement, mais a cherché à rendre la situation publique, afin de contrer la direction de l’hôpital, en alertant la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. En psychiatrie, la contrainte est parfois une nécessité clinique. Mais ce que dénoncent certains des soignants avec rage, c’est sa banalisation, pour une tout autre raison, liée à la politique d’économie sur la santé de l’État.

À l’échelle du pays, entre 1980 et aujourd’hui, le nombre de lits d’hospitalisation est passé de 120 000 à 55 000. La part des hospitalisations décidées sans le consentement du patient était de 80 000 en 2018 et a doublé en vingt ans. Lorsque le personnel est trop peu nombreux pour passer du temps avec un patient agité, la solution restante est de l’enfermer ou de l’attacher. Par sa politique, l’État pousse dans le sens de cette violence, alors que le savoir-faire pour soigner dignement est bien là. D’où la honte et la perte de sens dont parlent fréquemment infirmiers et médecins.

Mais des soignants expriment aussi leur colère, et mettent en avant les mobilisations et les grèves menées ces deux dernières années : les « blouses noires » de l’hôpital du Rouvray, les « perchés » du Havre, le collectif « Pinel en lutte » à Amiens, ou encore la grève récente de l’hôpital du Vinatier de Lyon.

Ils affirment ainsi que se battre contre cette évolution est une nécessité.

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