Juin 1950 : le début de la guerre de Corée24/06/20202020Journal/medias/journalarticle/images/2020/06/P10_1948-KoreaJeju-MassImprisonsonment_C_ARC.jpg.420x236_q85_box-2%2C0%2C873%2C490_crop_detail.jpg

il y a 70 ans

Juin 1950 : le début de la guerre de Corée

Le 25 juin 1950, l’armée de la Corée du Nord franchissait le 38ème parallèle et entrait en Corée du Sud. Ainsi commençait une guerre qui allait faire un million de morts, ravager le pays et faire craindre le déclenchement d’une troisième guerre mondiale, en attisant la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique.

Illustration - le début de la guerre de Corée

La péninsule de Corée était devenue une colonie de fait de l’impérialisme japonais en 1905. Ce dernier s’en servait comme d’une annexe industrielle et agricole et un réservoir de main-d’œuvre. À l’été 1945, devant l’imminence de la défaite japonaise et le vide étatique causé par le départ de l’armée d’occupation, les États-Unis décrétèrent que le pays serait coupé en deux suivant le 38ème parallèle. Au sud, l’armée américaine se chargerait elle-même d’assurer l’ordre, laissant ce soin à l’armée soviétique au nord, sur le modèle de ce qui se faisait en Europe et pour les mêmes raisons : il ne fallait laisser aucune place à d’éventuels soulèvements révolutionnaires de la population.

Cette division entre les deux Corées, qui existe toujours, était censée ne durer que le temps du remplacement de l’administration coloniale japonaise par des institutions coréennes. Mais, quels qu’aient été le plan des militaires américains et les intentions des bureaucrates du Kremlin, il fallait compter avec la population coréenne.

Au Nord, moins peuplé et moins industrialisé, le dirigeant communiste Kim Il Sung, grand-père du dictateur actuel, ne mena en réalité rien d’autre qu’une politique nationaliste, avec l’aval de Staline. Cela comportait l’union nationale, la nationalisation des usines, dont de toute façon les propriétaires japonais étaient en fuite et, surtout l’expropriation sans indemnité des propriétés foncières, y compris celles détenues par les riches Coréens, et la distribution de terres aux paysans pauvres. Kim, spéculant sur la fierté de la libération nationale, parvint ainsi à mettre en place son appareil d’État.

Au Sud, l’armée d’occupation américaine reprit en main la police coloniale que les occupants japonais avait formée. Dès novembre 1945, elle commença à réprimer tout ce qui ressemblait à un communiste, à un syndicaliste ou même à un militant de l’indépendance de la Corée. L’affrontement culmina en septembre 1946, lorsque la grève des cheminots se transforma en grève générale et que les travailleurs répondirent par l’insurrection aux opérations de répression menées par les GI’s. Le mouvement fut en fin de compte brisé sous les chenilles des chars américains.

Durant les mois où les travailleurs du Sud se battaient, et alors même que les militants du Parti communiste coréen étaient au premier rang, le Nord restait l’arme au pied. Cette attitude en dit plus long sur la nature du régime alors en formation que tous les discours de ses dirigeants. L’Union soviétique de Staline, elle non plus, ne leva pas un cil en faveur des travailleurs coréens.

La classe ouvrière une fois matée, les États-Unis établirent en Corée du Sud une dictature à leur main et lui fournirent toute l’aide militaire possible, dans le cadre de la montée des tensions entre le bloc occidental et le bloc soviétique et du début de la guerre froide. C’est précisément ce développement de l’armée du Sud qui incita Kim Il Sung à prendre les devants d’une attaque, le 25 juin 1950.

Les troupes du Nord, porteuses de l’espoir d’une réforme agraire, furent plutôt bien accueillies au Sud. Elles progressèrent rapidement, parvenant à enfermer les débris de l’armée du Sud dans la presqu’île de Pusan. Mais, un an après la prise du pouvoir par Mao en Chine, l’i mpérialisme américain ne voulait pas être bafoué une seconde fois et voir un de ses protégés vaincu par un allié de l’URSS. Désormais, les États-Unis étaient prêts à mettre tous les moyens pour maintenir en place les régimes à leur botte et pour défendre les frontières établies à Washington. Après avoir obtenu l’accord de l’ONU, sauf l’URSS bien sûr, l’armée américaine et quelques contingents de pays alliés, dont la France, volèrent au secours de la dictature coréenne.

Les États-Unis envoyèrent donc leur flotte renforcer l’armée encerclée à Pusan et leurs parachutistes reprendre pied derrière les troupes du Nord. La puissance de l’aviation, des blindés et de l’artillerie américains était sans commune mesure avec ce que l’armée du Nord, même soutenue par l’URSS, pouvait aligner. L’armée du Nord, à son tour encerclée, repassa le 38ème parallèle, poursuivie par les troupes américaines. Ces dernières montèrent tellement au nord qu’elles en vinrent à menacer la frontière chinoise. 200 000 soldats chinois entrèrent alors dans la bataille pour les repousser. Le général MacArthur, en charge des opérations en Corée, ayant demandé l’autorisation d’entamer la guerre contre la Chine, y compris en utilisant l’arme atomique, fut limogé. Washington estimait qu’il valait mieux s’en tenir là, en maintenant leur dictateur au Sud et en discutant avec Moscou et Pékin le statu quo que ceux-ci se montraient prêts à accepter.

Chaque armée se replaça donc de son côté du 38ème parallèle et un cessez-le-feu finit par être signé en juillet 1953. Durant ces trois années de guerre, l’armée américaine avait lâché plus de bombes sur la Corée qu’elle n’en avait utilisé pendant la Deuxième Guerre mondiale. La Corée du Nord avait vu ses infrastructures détruites, ses routes éventrées, ses villes incendiées. Ces destructions massives, suivies par un blocus féroce, allaient conditionner toute l’évolution ultérieure du pays, y compris les dictateurs mégalomanes et la famine organisée.

L’armée américaine et ses séides coréens commirent durant cette guerre les exactions coutumières dans les expéditions coloniales et dans les répressions de mouvements sociaux. La seule reconquête par le Sud de sa capitale, Séoul, fut suivie, selon les chiffres officiels, de l’assassinat de 100 000 civils. Des documents mis au jour des années après, et que la télévision française a montrés récemment, font voir comment, à plusieurs reprises, des soldats américains ont exécuté par centaines des réfugiés civils, au prétexte qu’ils ne pouvaient séparer les espions des autres. La dictature installée par l’impérialisme dans le Sud allait durer des dizaines d’années et n’a quelque peu desserré son étau que récemment, entre autres sous la poussée de la classe ouvrière.

La paix armée instaurée depuis la guerre de Corée de part et d’autre du 38ème parallèle dure encore aujourd’hui. Le découpage de la Corée, en séparant une population, en créant deux appareils d’État rivaux, l’un soutenu par l’impérialisme, l’autre soigneusement isolé et boycotté, mais allié de la Chine, a été et reste un des points les plus inflammables de ce monde instable. Les principaux responsables de cet état de fait ne sont ni à Séoul ni à Pyongyang, mais dans les métropoles impérialistes, à New York au premier chef.

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