Hôpitaux : qui sème le mépris, récolte la révolte24/06/20202020Journal/medias/journalarticle/images/2020/06/P11_Manif_sante_16_juin_infirmiere_Farida_-1_C_Serge_DIgnazio.jpg.420x236_q85_box-0%2C45%2C875%2C538_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpitaux : qui sème le mépris, récolte la révolte

Pour justifier la violence de l’arrestation de Farida, 50 ans, infirmière à l’hôpital de Villejuif, les chefs de la police ont diffusé des images où on la verrait jeter quelques cailloux contre des policiers protégés et équipés pour cela, lors de la manifestation des travailleurs hospitaliers du 16 juin. Ils ont même parlé à son propos « dune gilet jaune radicalisée ».

Illustration - qui sème le mépris, récolte la révolte

Mais, comme l’a dit l’une de ses filles dès le soir de son arrestation, Farida est d’abord « une infirmière qui a bossé pendant trois mois entre 12 et 14 heures par jour. Elle a eu le Covid. Aujourdhui, elle manifestait pour quon revalorise son salaire, quon reconnaisse son travail ». Le témoignage émouvant de Farida, interrogée par Mediapart au lendemain de sa longue garde à vue, montre que le mépris affiché par Macron et ses ministres pour les revendications des soignants ne peut qu’alimenter une révolte salutaire.

Comme tant d’autres travailleurs des hôpitaux, applaudis tous les soirs à 20 heures et présentés comme des héros par le gouvernement pour mieux faire oublier qu’il les envoyait au front sans moyens, Farida a entendu les promesses de revalorisations salariales, d’embauches et de moyens supplémentaires pour l’hôpital. Or, non seulement elles n’ont pas été tenues, mais ceux qui sont descendus dans la rue pour les rappeler aux ministres se sont fait gazer par la police. « On asphyxie les hôpitaux et on nous gaze dans la rue. On nous a promis beaucoup, et maintenant on nous fait manger de la boue », a résumé l’infirmière pour expliquer son geste contre la police, plus symbolique que dangereux.

Comme tant d’autres infirmières, elle ne veut plus culpabiliser quand elle rentre chez elle après une journée ou une nuit à l’hôpital car elle n’a pas pu faire son métier correctement faute de temps à consacrer aux patients. Elle ne supporte plus que les toilettes des personnes âgées soient chronométrées ; que les aides-soignantes ou les infirmières n’aient plus le temps de parler ou de toucher les malades ; qu’elles soient noyées sous toutes les tâches médicales, sanitaires ou administratives.

Embauchée comme auxiliaire puéricultrice par l’AP-HP, devenue infirmière, faisant aujourd’hui fonction de cadre infirmier, Farida dénonce la réduction drastique des formations professionnelles proposées au personnel. Pour avoir exprimé sa déception et sa colère, elle sera jugée le 25 septembre et risque jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende pour « outrage, violence et rébellion ». Soignants ou pas, les travailleurs devront être nombreux à se mobiliser ce jour-là pour affirmer aux juges qu’ils partagent la révolte légitime de cette infirmière. Mais au-delà de ce procès scandaleux, pour que les hôpitaux ou les Ehpad disposent des moyens et du personnel suffisants pour s’occuper dignement des patients, il faudra s’en prendre aux vrais responsables : les financiers qui les asphyxient et les gouvernements qui gèrent en leur nom.

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