Mali : explosions de colère et mécontentement social10/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2706.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mali : explosions de colère et mécontentement social

Une importante manifestation s’est déroulée à Bamako le vendredi 5 juin pour réclamer la démission du président du Mali Ibrahim Boubakar Keita. Elle était appelée par le très réactionnaire imam Dicko, opposant farouche aux droits des femmes, et par les partis d’opposition. Ceux-ci tentent ainsi de détourner à leur profit le mécontentement social qui a explosé au Mali depuis un mois et que décrivent nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) dans leur journal Le pouvoir aux travailleurs.

« L’annonce des résultats définitifs des élections législatives le 30 avril dernier a mis le feu aux poudres et déclenché une série d’émeutes et de manifestations dans plusieurs quartiers de la capitale malienne ainsi que dans de nombreuses villes du pays : Kayes, Kati, Sikasso, Ségou, Mopti, Sévaré, Koutiala, Bougouni, etc. Cela a duré environ deux semaines. Il y a eu de nombreux morts et des blessés graves mais le gouvernement en a minimisé le nombre.

La contestation des résultats officiels des élections, entachés de fraudes en faveur des candidats du parti au pouvoir, n’a été en réalité que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Derrière cette explosion de colère, il y a le sentiment général de la population contre le régime corrompu du président Ibrahim Boubacar Keïta, contre son incapacité à répondre aux besoins élémentaires de la population tels que l’approvisionnement en eau potable et en électricité dans les quartiers populaires. Le maintien du couvre-feu, décrété prétendument pour lutter contre la propagation du coronavirus, a aussi été dénoncé par les manifestants car il a empêché de nombreuses familles de gagner un peu d’argent pour survivre en faisant du petit commerce. À Bamako par exemple, des manifestants scandaient : « On en a marre du couvre-feu ! », « On meurt de faim ou on meurt de coronavirus ! »

Le couvre-feu a été levé le samedi 9 mai, mais deux jours après, la ville de Kayes a été le théâtre d’une nouvelle émeute après la mort d’un jeune motocycliste, tué par un policier. Les jeunes ont élevé des barricades sur le pont et brûlé des pneus dans de nombreuses rues de la ville pour protester contre cet assassinat, qualifié de simple bavure par les autorités. Les affrontements entre policiers et manifestants ont duré deux jours. Deux commissariats ont été incendiés ainsi qu’un bâtiment de la préfecture. Le bilan officiel fait état de trois morts et de quelques blessés parmi les manifestants mais certains disent qu’il y en a eu beaucoup plus.

Dans cette ville de Kayes, des manifestations ont déjà eu lieu dès le début du mois de mai, lorsque les habitants ont appris que des candidats annoncés comme vainqueurs par les résultats provisoires ont été par la suite déclarés battus au profit de candidats appartenant à la mouvance présidentielle. La situation semblait se calmer après quelques jours de protestation et puis il y a eu la mort de ce motocycliste qui a ravivé la colère. Les jeunes ont été soutenus par leurs parents, notamment par des femmes qui ont pris part aux cortèges. L’une d’entre elles a déclaré « On a montré notre mécontentement ; nos enfants vont au front, ils ne reviennent pas […] ça fait deux ans qu’il n’y a plus d’école ; c’est de la mauvaise gouvernance… ».

À Kayes, à Bamako comme ailleurs, c’est le même ras-le-bol social qui s’est exprimé durant ces deux semaines et qui a mis à mal le pouvoir. Les partis qui aujourd’hui se réclament de l’opposition après avoir mangé à la table d’IBK et de ses prédécesseurs, se sentent tout ragaillardis et tentent de récupérer ce mouvement de mécontentement. Les travailleurs doivent se méfier d’eux comme de la peste car la seule chose qui intéresse ces politiciens c’est le pouvoir et les privilèges qu’ils espèrent obtenir en y accédant. Alors que la misère s’aggrave, que le chômage touche de plus en plus de jeunes et de moins jeunes, la seule manière qui permettra aux travailleurs de défendre leurs intérêts en tant qu’exploités et opprimés, c’est d’avoir leur propre organisation de lutte indépendante des autres classes sociales. »

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