Dans le monde

Space X, un petit pas... en arrière !

Après dix-neuf heures de voyage dans l’espace, deux astronautes de la Nasa ont rejoint le 31 mai la station spatiale internationale (ISS) à 400 km de la Terre. Cet événement, banal cinquante ans après les premiers pas de l’homme sur la Lune, a pourtant été présenté comme un quasi-exploit.

Deux raisons expliquent cette médiatisation. D’une part, la capsule spatiale Crew Dragon a été mise en orbite par une fusée réutilisable Falcon 9 de la société Space X appartenant au milliardaire américain Elon Musk ; d’autre part, pour la première fois depuis neuf ans et l’arrêt de la navette spatiale, les astronautes étaient emportés par une fusée américaine. Trump, qui assistait au décollage, s’est extasié devant « cette puissance, cette technologie », avant de promettre que des Américains poseraient bientôt le pied sur Mars. Sans avoir besoin d’en rajouter, les ingénieurs russes, premiers à avoir mis un homme en orbite dans l’espace du temps de l’Union soviétique et qui envoient actuellement la plupart des femmes et des hommes vers l’ISS, ont pu se moquer de Trump et de son triomphalisme.

Reste la fusée mise au point par Space X. Contrairement aux lanceurs concurrents, russes, chinois ou européens, elle est récupérable et donc réutilisable. C’est la principale innovation de cette fusée d’une conception plus récente et qui peut emporter des charges bien plus lourdes. Mais, contrairement à ce que prétendent les admirateurs béats d’Elon Musk, ces progrès ne doivent rien à ses talents personnels ni à la propriété privée. Elon Musk, enrichi dans la spéculation au début des années 2000, cultive volontiers l’image du visionnaire entravé par les réglementations, le poids de l’État et même la frilosité de son conseil d’administration. Pourtant les succès de sa société Space X doivent tout aux commandes de la Nasa, organisme public. En 2008, Space X a évité la faillite en signant un contrat lucratif avec celle-ci pour ravitailler la station spatiale internationale. Facturant au prix fort les lancements pour l’armée américaine ou la NASA, Musk n’a cessé de profiter des installations et de l’expérience de cette dernière pour proposer des ristournes sur ses vols commerciaux.

Dans toute l’histoire du capitalisme, de la construction des voies de chemin de fer au 19e siècle jusqu’aux vols spatiaux du 20e, aucun progrès, aucun investissement significatif n’a pu être réalisé par des capitalistes privés sans l’aide permanente de l’État. En ce début du 21e siècle, les investissements et les programmes scientifiques qui engagent l’avenir et les ressources de toute l’humanité sont laissés à la discrétion de quelques capitalistes mégalomanes comme Elon Musk ou Jeff Bezos, le patron d’Amazon qui développe sa propre société, Blue Origin, pour organiser du tourisme spatial pour grandes fortunes. Cela juge la sénilité de ce système social.

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