Hôpitaux de Paris : des promesses et pas de moyens27/05/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/05/2704.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpitaux de Paris : des promesses et pas de moyens

Lundi 25 mai, le jour même de l’ouverture du « Ségur de la Santé », qui doit durer sept semaines, les déclarations du gouvernement démontraient, s’il en était besoin, que les hospitaliers n’ont rien à attendre de la part du pouvoir.

Sur la question des salaires, Édouard Philippe a parlé de « revalorisations significatives ». Depuis des années, les soignants n’ont touché en la matière que des primes, aléatoires par définition. Mais si depuis des semaines, ceux-ci réclament une augmentation de 300 euros pour toutes les catégories, ils sont loin d’avoir été entendus. Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), a exprimé le mépris dans lequel il tient les hospitaliers qui réclament de meilleures rémunérations : « S’il s’agit juste d’attendre un chèque avec les mêmes comportements et cloisonnements, l’effet du remède sera de courte durée. »

En réalité, sous prétexte de revalorisations, il s’agit de réformer le système de santé. La déréglementation est l’un des clous sur lesquels tapent le directeur général et le premier ministre. La question du temps de travail ne serait pas taboue, a déclaré Édouard Philippe. Martin Hirsch lui emboîte le pas. Pour lui, les « carcans » réglementaires seraient la cause de tous les maux des hôpitaux. Il rêve d’établissements concurrents entre eux, embauchant et payant comme ils le veulent : des contrats partout. Et surtout, « tout ne doit pas être uniforme ». Mieux rémunérer le travail selon Martin Hirsch suppose des carrières au mérite qui accroîtront l’inégalité entre les traitements et ne profiteront pas à tout le monde.

Eh bien, ce qu’il faut au contraire, ce sont des augmentations uniformes, de la femme de ménage au médecin, car tout le monde a besoin de vivre correctement ! Il ne s’agit pas d’attendre un chèque, il s’agit de se battre pour l’obtenir.

Quant au volet de ce que Hirsch et consorts appellent les « comportements et cloisonnements », là encore le personnel et eux ne parlent pas le même langage. Ce dont ces gens rêvent, c’est de soignants taillables et corvéables à merci, ne connaissant plus aucune limite d’horaires et courant après la carotte d’augmentations et de promotions individuelles. Rien d’original, puisque c’est le désir de tous les patrons du monde.

Les 35 heures constituent la cible numéro un du directeur général. Comme tous ses prédécesseurs, il met en cause les difficultés qu’aurait engendrées ce système. Et comme tous les autres, il oublie de dire que ni l’AP-HP ni les autres hôpitaux n’ont procédé aux embauches nécessaires quand les 35 heures se sont mises en place.

Allant jusqu’au bout dans l’hypocrisie, Martin Hirsch attaque les aides-soignantes qui, désirant devenir infirmières, passent le concours d’entrée à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI). Il se prononce pour une formation au rabais, moins chère. Et, au même moment, dans tous les hôpitaux de l’AP-HP, des aides-soignantes qui ont réussi le concours d’entrée à l’IFSI se voient annoncer que leurs études ne seront pas rémunérées !

Heureusement, dans plusieurs établissements, ces aides-soignantes se mobilisent. Elles ont compris que, pour faire entendre leurs droits, elles ne peuvent s’en remettre à la bonne volonté des dirigeants, mais à leurs luttes collectives.

D’ailleurs, elles ne sont pas les seules à en prendre conscience. Dans plusieurs hôpitaux, la protestation continue à se déconfiner. À l’hôpital Robert Debré, à Tenon, à Beaujon, à la Salpêtrière, à Saint-Denis, des manifestations autour des hôpitaux rassemblent toutes les catégories sur les mêmes revendications : embauche massive, augmentations de salaire uniformes pour toutes les catégories. Ce mouvement n’est pas encore majoritaire, mais il croît de mardi en mardi ou de jeudi en jeudi. Et il ne pourra que s’intensifier, lorsque le Ségur de la Santé aura montré que le gouvernement ne veut pas rompre avec la logique capitaliste de la gestion des hôpitaux, mais qu’il entend toujours augmenter la pression sur les hospitaliers, restreindre leurs moyens afin de donner l’argent à la finance.

Aujourd’hui, les plus conscients des soignants disent que c’est le bon moment pour déclencher l’offensive, puisque rarement leur popularité a été aussi grande. Il faut espérer qu’ils convaincront les autres. Mais de toute façon, que ce soit maintenant ou plus tard, le gouvernement peut s’attendre à l’explosion du mécontentement du personnel de la santé, à la hauteur de tout ce que celui-ci a subi durant les mois d’épidémie et auparavant.

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