Abattoir de Kermené : perdre sa vie à la gagner ?27/05/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/05/2704.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Abattoir de Kermené : perdre sa vie à la gagner ?

Après deux séries de tests au Covid-19 effectués sur 1 027 salariés, ce sont 115 salariés de l’abattoir Kermené, dans les Côtes-d’Armor, qui ont été déclarés positifs, et ce n’est peut-être pas fini. Ils ont été mis en quatorzaine pour tenter de stopper la contamination.

Cette contamination massive n’est pas surprenante. Comme dans de nombreux abattoirs, toutes les conditions sont réunies pour que le virus se développe, avec des travailleurs concentrés et de mauvaises conditions de travail.

À Kermené, la contamination a commencé dans un atelier de découpe de porcs où sont employés de nombreux travailleurs payés à la tâche. Plus il y a de bêtes abattues, plus le salaire est élevé. Les cadences sont infernales et la productivité est le maître mot de la direction. C’est à la suite de l’hospitalisation d’un salarié de cet atelier que les premières recherches d’autres cas ont commencé. Six autres ont été bientôt détectés, puis 69, soit plus de 30 % de l’effectif de cet atelier. Maintenant le total dépasse les 100.

L’abattoir Kermené est l’un des plus gros en France. Il appartient au groupe Leclerc et ce qui y est produit quotidiennement va directement alimenter les rayons de boucherie et charcuterie des magasins du groupe en France et dans plusieurs pays européens. Plus de 2 800 travailleurs y sont concentrés, abattant et découpant porcs, bœufs et veaux quotidiennement en deux ou trois équipes. L’abattoir emploie des salariés « Kermené » mais fait aussi appel à des entreprises sous-traitantes qui vont recruter des tâcherons dans les pays d’Europe de l’Est et en particulier en Roumanie. Le nettoyage des ateliers et des bureaux est aussi effectué par des travailleurs en sous-traitance.

Lorsque le premier cas a été connu, il y a eu des réactions d’inquiétude mais aussi des manifestations de racisme à l’encontre des communautés « qui ne respectent pas les mesures de barrières sanitaires », accusées d’être responsables de la propagation du virus. En réalité, c’est la volonté de la direction de pousser à produire toujours et toujours plus qui est responsable de cette situation.

La production à Kermené ne s’est jamais arrêtée durant le confinement. Il fallait continuer à produire coûte que coûte même si de nombreux salariés allaient au travail la peur au ventre. Bien sûr, des masques et du gel ont été mis à disposition, mais les cadences n’ont pas baissé.

Maintenant, et alors que de nombreux travailleurs sont contaminés, il faut continuer à produire comme si de rien n’était. Les autorités de l’État, main dans la main avec la direction, estiment qu’elles contrôlent la situation et qu’il n’y a pas de raison d’arrêter les chaînes d’abattage. Les maires des communes environnantes qui souhaitaient fermer leurs écoles ont été priés de les maintenir ouvertes pour que les parents puissent aller travailler. Le profit passe encore une fois avant la santé des travailleurs et de leurs familles.

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