Rwanda : l’arrestation d’un génocidaire19/05/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/05/2703.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Rwanda : l’arrestation d’un génocidaire

Félicien Kabuga vient d’être arrêté par la police en région parisienne. Ce richissime homme d’affaires rwandais était l’un des principaux financiers des milices Interhamwe qui, en 1994, ont massacré près d’un million de Tutsis et de Hutus modérés, avec la complicité des dirigeants français et en premier lieu de François Mitterrand, le président d’alors.

C’est Kabuga qui avait organisé et payé, à la veille du génocide, l’importation d’une impressionnante quantité de machettes pour armer le bras des tueurs. C’est lui aussi qui avait financé et dirigé Radio Mille Collines, sur laquelle étaient diffusées les listes des Rwandais à assassiner. Elle relayait en continu des appels au meurtre, tels que « Vous allez mettre le feu aux Tutsi et ils vont regretter d’être nés. Faites du bon travail », ou encore : « Les fosses sont encore à moitié vides, vous devez les remplir ».

Cette horreur a été perpétrée avec la complicité active du gouvernement français de l’époque et sous les yeux de son armée présente sur place. Celle-ci participait de longue date à la formation de l’armée rwandaise et ne pouvait rien ignorer du génocide qui se préparait. Pour François Mitterrand, cela faisait simplement partie d’une stratégie visant à contenir l’avancée du Front patriotique rwandais, considéré comme le véhicule de l’influence américaine dans la région.

Si Kabuga a armé les tueurs, la France n’a donc pas été en reste. Elle n’a cessé de livrer des armes, et c’est la BNP qui a permis de contourner l’embargo de l’ONU en passant au besoin par divers trafiquants. Lorsque les génocidaires furent chassés du pays par le Front patriotique rwandais, c’est encore l’armée française qui leur permit de s’enfuir en République démocratique du Congo sous couvert d’une opération prétendument humanitaire.

Kabuga, lui, dut à son immense richesse d’avoir pu se cacher si longtemps au Kenya, en Suisse, en République démocratique du Congo et finalement en France, alors que depuis vingt ans il était visé par un mandat d’arrêt international. Son arrestation coïncide, mais est-ce un hasard, avec le rapprochement entrepris par Emmanuel Macron avec le Rwanda. Alors que sous François Hollande les relations étaient au point mort, Macron a multiplié les gestes symboliques pour renouer avec ce pays francophone qui est présenté comme l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique centrale, notamment dans le domaine des technologies informatiques. Ce « Singapour africain », comme disent certains commentateurs, pourrait à ce titre se révéler un terrain de chasse prometteur pour les capitalistes français, à condition d’apurer les comptes du passé.

L’arrestation surprise de Félicien Kabuga – il serait quand même étonnant que les services secrets français aient pu ignorer sa présence dans le pays – pourrait bien s’inscrire dans ce contexte. Quant aux responsables politiques français et aux chefs militaires qui ont été complices de ces massacres, ils continuent bien sûr à jouir de la plus totale impunité.

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