Hôpitaux de Paris : revenir à l’anormal ? Non !13/05/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/05/2702.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpitaux de Paris : revenir à l’anormal ? Non !

Les soignantes qui ont pris les transports en commun pour aller travailler au début du déconfinement, le 11 mai, n’ont pas été vraiment surprises d’emprunter des métros pour la plupart bondés.

Pas grand monde ne fait confiance aux promesses du gouvernement, des ministres ou du directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch.

Ce retour aux conditions habituelles de trajet a donné une signification très concrète à la crainte, jusqu’alors théorique, d’une deuxième vague d’épidémie, qui serait plus difficile à supporter que la première. « On ne va pas y échapper », entendait-on partout parmi le personnel.

Or, tout le monde est fatigué. « On est crevées, ça suffit ! ». Personne en tout cas ne se sent capable de repartir comme en mars, avec les difficultés habituelles concernant les effectifs. Celles-ci réapparaissent rapidement.

En même temps, les soignantes qui reviennent d’un service Covid-19 et récupèrent leur ancienne spécialité éprouvent le soulagement de retrouver un terrain connu. S’ajoute à ce sentiment le fait que bien des salles ne sont pas pleines. L’affluence existe : à l’entrée de certaines consultations de l’hôpital de la Salpêtrière, les patients doivent faire la queue dehors, quelles que soient les conditions météorologiques. Mais, pour le moment, cela ne va pas jusqu’à la crise.

Les cadres ont été bombardées de consignes par l’administration, pour éviter les couacs dans cette période de reprise. Ces recommandations ne sont pas fausses, mais leur rigueur contraste avec la période de l’épidémie où les soignantes étaient souvent livrées à elles-mêmes dans des conditions dangereuses. Il faut nettoyer les sièges de consultation après chaque patient, organiser la pause-repas des malades qui restent toute la journée dans des locaux inadaptés, etc. Tout cela ajoute du stress et alourdit la charge de travail, alors que les renforts en personnel ont disparu.

Les cadres les plus hargneuses sont sur le dos du personnel à la moindre occasion. Et parfois, même pour les autres, l’hyper-rigueur tourne au ridicule. Dans un service de la Salpêtrière, les soignantes n’avaient pour déjeuner qu’une minuscule salle de pause privée d’aération ; elles auraient bien voulu pouvoir utiliser la salle de réunion, plus vaste, aérée et inutilisée depuis le début de l’épidémie. Aujourd’hui, alors que le service est revenu à une activité traditionnelle, la direction interdit aux soignantes de prendre leur pause ailleurs que dans cette salle de réunion !

Toutes ces contraintes et ces ratés rappellent à bien des soignantes ce que subissent leurs conjoints. « Ils essaient de faire passer leurs mauvais coups comme dans le privé », dit plus d’une.

Le comble a été atteint par Martin Hirsch dans sa lettre du 8 mai. Il propose que les soignants qui ont une maison familiale au vert la prêtent à ceux qui n’en ont pas, et s’inscrivent pour cela sur le service « Hoptisoins ». Mais, tant qu’à partager, pourquoi les plus riches qui ont des somptueuses villas aux quatre coins du pays ne les mettraient-ils pas à la disposition des soignants qu’ils se sont contentés d’applaudir ? Ce dont les hospitaliers ont besoin, c’est de vrais salaires qui permettent à chacun de s’offrir un petit coin de verdure ou de partir où bon lui semble. Et ils n’ont pas eu besoin des sermons du directeur général pour que se crée entre eux une profonde solidarité contre l’épidémie.

Ainsi les soignants sortent stressés et épuisés de l’épreuve, mais ils craignent également beaucoup l’après Covid-19. Durant la crise, les moyens en personnel ont été importants et exempts des limites ordinaires, mais ils n’ont rien eu d’exceptionnel. Ils ont juste été suffisants pour prendre en charge les patients à l’hôpital. Ce qui a permis de tenir, c’est l’entraide et la coopération au sein de l’hôpital et entre hôpitaux ; c’est l’effacement de toute concurrence et de toute distance entre catégories et entre métiers dans le combat contre le virus. C’est ce sentiment qu’il faudra conserver et entretenir pour exiger tous ensemble les moyens humains et matériels nécessaires !

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