Algérie : la pandémie aggrave la crise sociale28/04/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/04/2700.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : la pandémie aggrave la crise sociale

Le 25 février, le premier cas de coronavirus testé positif était relevé sur le territoire algérien. Depuis, l’Algérie est devenue le pays le plus touché du continent africain avec plus de 400 décès. Si sur le plan sanitaire, la crise est restée jusqu’à présent moins aiguë qu’en Europe, la pandémie a exacerbé la crise politique, sociale et économique qui a donné naissance au mouvement de contestation populaire, le Hirak, en février 2019.

Avec la pandémie les manifestants, pour la plupart conscients du danger, ont décidé de suspendre leur mouvement à la mi-mars. Les aspirations politiques et sociales exprimées par le Hirak n’ont cependant toujours pas été satisfaites. Malgré les promesses du nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, de tendre la main au Hirak, les arrestations n’ont pas cessé et trois cent détenus d’opinion sont toujours incarcérés.

Quant au quotidien des travailleurs et des classes populaires, il n’a pas cessé de se dégrader : le pouvoir d’achat s’est effondré, le chômage a explosé et les services publics sont à l’abandon, notamment l’accès aux soins. Depuis des années les hôpitaux font face à une pénurie de moyens en lits et en matériel et à plusieurs reprises, les personnels hospitaliers ont exprimé leur révolte face au manque de moyens dont disposent les maternités et les hôpitaux publics. Ainsi en 2018, un mouvement de grève et de manifestations concernant 15 000 médecins et internes avait affecté le fonctionnement des hôpitaux durant plus de six mois.

Si l’épidémie devait s’aggraver, les hôpitaux avec leurs 400 lits en réanimation auraient bien du mal à faire face. L’annonce du gouvernement, qui prétend pouvoir porter cette capacité à 6 000 lits, suscite du scepticisme et apparaît comme une simple annonce visant à calmer l’inquiétude.

La défiance est importante vis-à-vis du pouvoir. Dans certaines régions la population, consciente du danger et suivant de près ce qui se passe dans le monde, n’a pas attendu les mesures gouvernementales pour prendre les choses en main. De l’est à l’ouest, dans de nombreuses villes et villages, elle s’est organisée en comités pour faire de la prévention, diffuser des informations sur le virus et ses modes de transmission, désinfecter les lieux publics et organiser la solidarité. Des soins sont prodigués aux plus démunis et des repas leur sont distribués. Face à un élan de solidarité et d’organisation qui s’étendait et échappait à son contrôle, le pouvoir a tenté sans succès de l’encadrer.

L’arrêt de l’économie mondiale a entraîné une chute des cours pétroliers vertigineuse et catastrophique pour l’Algérie. Les exportations d’hydrocarbures sont à l’arrêt, les tankers et les réservoirs sont pleins, stoppant les rentrées en devises alimentées pour l’essentiel par les revenus pétroliers et gaziers.

Cette crise survient alors que nombre d’entreprises étaient déjà en faillite. Ainsi, avec l’arrêt des grands chantiers, 60 % des entreprises du BTP ont mis la clé sous la porte.

Le confinement et le couvre-feu mis en place depuis le 23 mars ont aggravé la situation des classes populaires. Les transports étant à l’arrêt, les travailleurs ne peuvent pas se déplacer et certains sont sanctionnés voire licenciés pour leur absence. Il n’existe pas d’allocation chômage et de nombreux travailleurs se retrouvent sans revenus. Le président a annoncé que durant le confinement, les travailleurs pourraient disposer d’un congé exceptionnel payé, et qu’en retour les entreprises bénéficieraient d’aides financières publiques. Mais les patrons se sont contentés de décompter le reliquat des congés ou de verser des salaires amputés. Dans bien des entreprises, des travailleurs se sont mobilisés pour exiger le paiement de l’intégralité du salaire tandis que le FCE, l’organisation patronale, mène campagne pour justifier le non-paiement des salaires.

Alors que le chômage a explosé, aucune statistique fiable ne renseigne sur le nombre réel de chômeurs, d’autant plus qu’une grande partie de l’économie relève du secteur informel qui a cessé son activité avec le confinement. Tous les vendeurs ambulants, coiffeurs, receveurs des bus privés, serveurs de bar et restaurants… se retrouvent ainsi sans revenu. Malgré le confinement, ces travailleurs n’ont pas le choix, ils sont condamnés à sortir pour trouver de quoi nourrir leur famille, au risque de tomber malades.

À la veille du Ramadan, le gouvernement qui veut remplacer les subventions sur les produits de première nécessité par des aides ciblées, a annoncé une aide d’urgence de 10 000 dinars (soit 70 euros) aux plus démunis. Cela a provoqué des queues importantes devant les mairies sans que les employés puissent répondre à toutes les demandes. Cette aide est une goutte d’eau, comparée aux centaines de milliards de dollars qui ont été volés ces dernières années par les dignitaires du régime, qui devront tôt ou tard rendre des comptes à la population.

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