Mulhouse : une situation dramatique01/04/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/04/2696.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

La société en crise

Mulhouse : une situation dramatique

La ville de Mulhouse est frappée de plein fouet depuis la fin février par l’épidémie. Depuis le 20 mars environ, le bruit incessant des ambulances et des hélicoptères rappelle à tous que plusieurs dizaines de malades arrivent aux urgences chaque jour, tandis que quelques malades sont transférés ailleurs.

Jour après jour, le personnel médical se bat pour les prendre en charge le plus correctement possible, malgré le manque de tout : manque de matériels de protection, de lits de réanimation, de lits tout court, de personnel... Le 29 mars, les hôpitaux de Mulhouse et Colmar comptaient 350 décès dus au Covid-19, auxquels s’ajoutent les décès à domicile et dans les Ehpad. Il est clair qu’une partie des décès étaient évitables, ce qui les rend encore plus révoltants et insupportables.

En effet, une partie des malades auraient eu des chances d’être sauvés si l’hôpital, saccagé par les logiques comptables, n’avait pas été submergé si vite, notamment si le matériel, à commencer par les respirateurs, avait été en plus grand nombre, de même que le personnel soignant.

Déjà avant cette catastrophe, cet hôpital allait mal, connaissant depuis un an une hémorragie de médecins et de soignants. Les Urgences, notamment, étaient mobilisées pour dire leur incompréhension devant les politiques d’économies et pour obtenir du personnel, le nombre de médecins urgentistes étant passé en quelques mois de quarante-deux à sept. EIles n’ont pas été entendues. Alors aujourd’hui, certains malades graves sont accueillis par des médecins retraités au lieu d’urgentistes, et accueillis aussi, amère ironie, par une banderole qui proclame « Urgences en grève » au-dessus des soignants qui courent et qui s’affairent. Même malades, ceux-ci sont sommés de continuer à travailler tant qu’ils tiennent le coup, et ils tiennent.

Claude Baniam, psychologue de l’hôpital, l’a écrit : « Ces politiques qui aujourd’hui osent nous dire que ce n’est pas le temps des récriminations et des accusations, mais celui de l’union sacrée et de l’apaisement… Sérieux ? Vous croyez vraiment que nous allons oublier qui nous a mis dans cette situation ? Que nous allons oublier qui a vidé les stocks de masques, de tests, de lunettes de sécurité, de solutions hydroalcooliques, de surchaussures, de blouses, de gants, de charlottes, de respirateurs (ces respirateurs tellement primordiaux aujourd’hui) ? »

Dans ce contexte, l’évacuation d’une centaine de malades par train, hélicoptère et avion vers d’autres régions ou vers l’Allemagne a été accueillie avec un certain soulagement. Mais cela ne peut être que provisoire, car d’autres régions sont progressivement saturées. Et cela a quelque chose de dérisoire, quand une centaine de nouveaux malades continuent d’arriver chaque jour. Puis, ces évacuations mobilisent une lourde logistique et énormément de personnel soignant, tellement indispensable ailleurs. L’hôpital militaire de campagne sous tentes, a été monté à grand renfort de publicité, mais n’est capable que d’accueillir au maximum trente malades.

Ne serait-il pas plus efficace – certes moins spectaculaire – de déplacer des respirateurs et du personnel depuis des régions moins touchées ? Il y a vraiment de quoi dans cette crise hurler de rage et de colère.

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