Dans les entreprises

Air France : virus ou pas, les profits passent d’abord

90 % des 224 avions d’Air France sont cloués au sol. Comme ceux des autres compagnies, coronavirus oblige. Et lundi 23 mars, la direction a annoncé des mesures de chômage partiel pour les 8 000 salariés des ateliers et hangars de Roissy et d’Orly, ainsi que de l’usine Éole de Villeneuve-le-Roi, qui dépendent de la DGI : la maintenance des avions, moteurs et équipements.

Ce même 23 mars, le quotidien Aujourd’hui titrait en grand : « Les salariés ne travailleront qu’à 20 % mais garderont 84 % de leur rémunération. » Inutile de se demander où il est allé prendre une pareille « information » : auprès de la direction ou du gouvernement, pas des travailleurs.

En effet, aux Équipements d’Orly comme à Éole, la direction veut imposer de travailler de 30 à 50 % ; aux Moteurs à Orly comme à Roissy, c’est à 60 % qu’ils devraient travailler… Et bien sûr, selon des roulements décidés par la direction, laquelle peut imposer de prendre des RTT, des jours de congés, ou les refuser, si cela l’arrange. Car c’est elle qui décide, et en fonction seulement de ce que cela lui rapporte.

A Orly-Nord, par exemple, alors que le coronavirus faisait des ravages et qu’on entendait tous les jours à la télévision qu’il fallait se protéger, la grande visite d’un Boeing 777 étant prioritaire (pour le patron), les ouvriers et les techniciens devaient venir se serrer dans les vestiaires, à la cantine, sur le lieu de travail. Même chose au N3 d’Orly où des mécanos et des magasiniers ont été obligés de venir parce qu’il fallait « sortir » un Airbus 320. Pour la direction, assurer la sécurité face au virus, même fournir partout et en suffisance du gel, du savon, ne parlons pas des masques, c’est incompatible avec ce que les travailleurs doivent lui rapporter comme argent.

Mais cela n’empêche pas des cadres de chercher à semer la peur. Ils disent que, si on ne fait pas tout – entendez, en venant travailler malgré les risques – pour ne pas perdre des contrats de maintenance, il y aura des licenciements. Mais il y en a déjà depuis des années à Air France. Et il y en a encore eu ces jours-ci : à Roissy comme à Orly, les intérimaires des ateliers et des hangars ont été jetés à la rue. Même chose pour les salariés de certaines entreprises sous-traitantes. Ils ont tout perdu.

Quant aux salaires de ceux qui gardent un emploi, parlons-en. Depuis des jours, Macron, le patronat, les médias claironnent sur l’indemnisation du chômage partiel à 84 % du salaire net. Une façon de faire croire qu’on en aura plus dans la poche qu’avec 70 % du brut. Mais c’est calculé sur le salaire de base et les travailleurs d’Air France ont eu vite fait de compter qu’avec les primes qui sautent, surtout quand on travaille en 3x8, en 2x8 ou qu’on doit faire des nuits, les pertes peuvent atteindre 500 euros par mois !

Mais que les âmes sensibles se rassurent : l’État est là. Il veille, en tout cas aux intérêts des actionnaires. Et nul ne doute parmi les ouvriers et techniciens que c’est ce dont Macron a longuement discuté avec le patron d’Air France-KLM, Ben Smith.

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