BNP : condamnée pour un œuf, la banque a volé un bœuf04/03/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/03/2692.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

BNP : condamnée pour un œuf, la banque a volé un bœuf

Le 27 février, une filiale de la BNP Paribas a été condamnée à verser 150 millions d’euros aux 2300 particuliers qu’elle avait escroqués et qui s’étaient groupés pour porter l’affaire en justice.

Les faits remontent aux années 2008 et 2009, alors que la BNP plaçait des emprunts libellés en francs suisses mais remboursables en euros. La banque avait alors réussi à convaincre plus de 4000 petits épargnants de faire un placement immobilier, moyennant un apport personnel et cet emprunt en francs suisses, à un taux d’intérêt inférieur à celui du marché. L’État lui-même n’est pas exempt de toute responsabilité, puisque différentes mesures de détaxation encouragent les petits épargnants à emprunter pour placer dans l’immobilier.

La bonne affaire n’a pas duré longtemps. Une des conséquences de la crise financière de 2008 a été une baisse continue de l’euro par rapport au franc suisse. Le phénomène s’accentua encore avec la crise de l’euro consécutive à l’étranglement de la Grèce par les grandes banques. Le montant des annuités des emprunteurs, bien que fixe en francs suisses, alors doublé ou triplé une fois converti en euros. Pire encore, le capital restant dû, exprimé en euros, augmentait au fur et à mesure que la monnaie européenne se dévaluait par rapport au franc suisse. Un épargnant, comptant en euros évidemment, pouvait avoir emprunté 100 000 euros en 2008 et se retrouver en devoir 120 000 six ans plus tard, après avoir pourtant versé 75 000 euros de remboursements cumulés !

La même arnaque avait été utilisée sur une échelle plus grande encore par les banques européennes cherchant à placer aux collectivités locales des crédits à bas taux. Des grandes villes de France, de Belgique et d’Allemagne se sont ainsi retrouvées surendettées. Les États étaient alors intervenus, mettant les villes sous tutelle, purgeant les comptes des banques et soldant l’affaire sans que celles-ci y perdent.

Dans les pays d’Europe centrale, les prêts aux particuliers libellés en francs suisses et remboursables dans la monnaie locale ont pris la forme d’une épidémie, ou plutôt d’une opération de pillage en règle. Leur montant cumulé, calculé en dollars par les services de l’Union européenne, a atteint jusqu’à 250 milliards. Là aussi les États sont intervenus, interdisant après coup ce type d’opérations. Mais des millions de personnes, ayant dans tous ces pays emprunté, non pour spéculer, mais pour se loger, y ont laissé leur chemise. En Pologne par exemple, 500 000 familles seraient concernées et cela a conduit, en novembre 2019 encore, à des manifestations de rue contre les banques européennes et l’inaction du gouvernement.

Les avocats des 2 300 plaignants français ont gagné leur procès en démontrant que la BNP avait anticipé la hausse du franc suisse, bien placée qu’elle était pour connaître les conséquences d’une crise financière. Ayant donc sciemment attiré les emprunteurs dans un piège, elle est aujourd’hui condamnée à rembourser ceux qui ont porté plainte. Mais il est peu probable que la BNP et les autres grandes banques européennes soient jamais condamnées pour cette même arnaque pratiquée en très grand auprès des collectivités locales et des populations d’Europe de l’Est.

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