Airbus : 3,6 milliards perdus, mais les profits restent26/02/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/02/2691.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Airbus : 3,6 milliards perdus, mais les profits restent

Airbus va payer un total de 3,6 milliards d’euros d’amendes auprès de trois organismes – le Parquet national financier français, le Serious Fraud Office britannique et le ministère américain de la Justice – pour échapper à des poursuites et enquêtes sur des faits de corruption.

En effet, pendant des années, Airbus a eu à de multiples reprises recours à des pratiques frauduleuses pour placer des avions un peu partout. L’Agence française anticorruption pointe des campagnes de ventes d’avions entre 2004 et 2016, en Chine, en Corée du Sud, en Russie, en Colombie, au Népal, à Taiwan et aux Émirats, où Airbus a procédé ainsi. Mais cette liste n’est certainement pas complète. Ce sont des versements à des intermédiaires qui sont visés, ou directement à des dirigeants de compagnies aériennes, à des ministres et chefs d’administration. Airbus aidait généreusement ces responsables à faire leur choix.

Quelques moyens de corruption ont été cités : des sommes d’argent rondelettes versées dans des paradis fiscaux, des cadeaux luxueux, des voyages composés principalement ou exclusivement de loisirs, tous frais payés, des contrats d’engagement fictifs… Rien de très original, même si on ne nous dit pas tout.

Airbus n’est pas la seule société dans le collimateur des autorités américaines, habituées à mettre en accusation les grandes sociétés européennes. Avant elle, Société générale, Technip et Alstom, entre autres, ont dû verser des centaines de millions pour qu’on les laisse tranquilles. Les autorités américaines veulent avoir un droit de regard sur toutes les transactions commerciales, et ce n’est pas seulement par souci de la morale. L’utilisation du dollar, la vente d’un seul composant américain, l’existence d’une entité juridique basée aux USA leur suffisent pour s’octroyer des pouvoirs de rétorsion, en particulier celui d’imposer des amendes ou celui d’interdire de participer aux appels d’offres aux États-Unis. Cela s’appelle la loi du plus fort, et elle sert à contrer les concurrents des groupes américains.

Mais, au fond, corruption et lutte anticorruption font partie des règles du jeu de la concurrence, qui n’est loyale que dans les discours officiels. Une entreprise comme Airbus le sait évidemment et, comme tous les fraudeurs, pèse les avantages et les inconvénients. Visiblement, la sanction ne lui fait pas trop de peine. Certains la qualifient même de « pas si mauvaise affaire ». Airbus s’y était préparé, la somme précise avait été provisionnée, des gages de bonne volonté avaient été donnés, en remplaçant une bonne partie de la direction, présentée comme responsable directe des faits de corruption.

Entre les déboires de Boeing évités et le soulagement de n’être pas traînés devant les tribunaux, les actionnaires d’Airbus peuvent dormir tranquilles. Les 3,6 milliards d’euros sont simplement à classer au compte profits et pertes, qu’une augmentation de l’exploitation dans ses usines permettra de combler aux dépens des travailleurs. Ainsi, le 19 février, la direction d’Airbus a annoncé un total de 2 300 suppressions d’emplois, dont 400 en France.

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