Dans le monde

Égypte : à l’heure de la répression

Patrick George Zaky, étudiant égyptien à l’université de Bologne, en Italie, et militant d’une organisation de défense des droits de l’Homme a été arrêté le 7 février à son arrivée au Caire et immédiatement jeté en prison. Selon son organisation, Patrick Zaky, arrêté alors qu’il allait rendre visite à sa famille, est maintenu en détention à Mansoura, dans le nord du pays, et a subi coups et tortures à l’électricité.

Le motif invoqué par la police du dictateur égyptien Sissi est « diffusion de fausses nouvelles, incitation à manifester sans autorisation, incitation à renverser l’État, gestion d’un compte sur les réseaux sociaux visant à […] porter atteinte à la sécurité nationale et promotion d’actes terroristes ». À la différence de centaines d’autres opposants au régime, Patrick Zaky a au moins la chance d’être connu et soutenu par des enseignants et étudiants de l’université de Bologne. Il est aussi présenté par la presse italienne comme la nouvelle victime potentielle d’une « affaire Regeni », ce jeune chercheur, lui aussi membre d’une ONG, qui avait disparu au Caire en 2016, et avait été retrouvé mort, après son probable enlèvement par les sbires de la sécurité égyptienne. Après la mobilisation de sa famille et d’une partie de l’opinion publique, le gouvernement italien avait exigé des explications de la part des autorités égyptiennes. Ces dernières s’étaient contentées de faire vaguement mine d’enquêter avant de condamner un lampiste.

Cette affaire jette de nouveau un peu de lumière sur les pratiques du régime. Des centaines d’opposants politiques sont enfermés depuis des années, dont certains depuis l’arrivée au pouvoir de Sissi à la suite du coup d’État de juillet 2013. Des décrets se sont succédé pour donner à ce maréchal devenu président et à sa clique de généraux tous les pouvoirs pour empêcher la moindre expression de pensée dissidente. Des journalistes, avocats et militants sont arrêtés et/ou victimes de « disparitions forcées », une des techniques utilisées par la dictature pour terroriser la population et faire taire toute opposition politique. Des ONG locales citent le chiffre de 60 000 personnes détenues depuis 2013, certaines ayant été libérées après des mois, brisées, et après des procès express devant des tribunaux militaires, l’état d’urgence étant régulièrement reconduit de trois mois en trois mois. Parfois, un commentaire critique publié sur un réseau et jugé offensant par les autorités suffit pour être arrêté et emprisonné, sans jugement, comme dans le cas d’un employé des impôts ou de 21 travailleurs arrêtés pour avoir protesté contre une augmentation du prix des billets dans le métro du Caire, puis détenus pour « terrorisme ». Pour faire face, la dictature a construit pas moins de dix-neuf nouvelles prisons depuis la chute de Moubarak.

Parmi ces victimes de la répression figurent aussi des travailleurs des entreprises d’État, c’est-à-dire le plus souvent appartenant à l’armée. Dans le ciment, le pétrole, le textile ou le bâtiment, les profits n’existent que grâce à l’exploitation ouvrière et aux bas salaires, qui tardent souvent à être versés. Les protestations des travailleurs sont taxées de manifestations d’opposition, voire de terrorisme, et à ce titre durement réprimées.

Les rares critiques de la dictature, prononcées du bout des lèvres par des gouvernements occidentaux, véritables représentants de commerce des marchands d’armement, ne risquent pas d’avoir la moindre portée. Dans ce pays de 100 millions d’habitants, la répression est la seule réponse du régime face à la pauvreté et au mécontentement des masses. Elle n’empêchera pas de nouvelles explosions.

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