Leur société

Recherche médicale : les laboratoires publics à la diète

L’inquiétude générée par le coronavirus de Wuhan fait ressortir l’utilité de la recherche médicale pour toute la société.

Partout dans le monde, des laboratoires sont à l’œuvre : le patrimoine génétique de ce virus a déjà été séquencé. Les épidémiologistes observent la propagation de l’épidémie en Chine pour en modéliser la vitesse de transmission et la létalité. Les laboratoires d’immunologie ont commencé le long travail qui permettra, peut-être mais pas avant un an, de concevoir un vaccin efficace.

Cette mobilisation des chercheurs porte l’espoir d’endiguer cette épidémie avant qu’elle ne fasse de plus gros dégâts. Mais elle ne peut pas masquer le fait qu’en France les pouvoirs publics financent de moins en moins la recherche médicale.

Depuis des années, les recrutements de chercheurs se sont taris dans les universités et au sein d’organismes comme l’Inserm, spécialisé dans la recherche médicale, ou le CNRS. De jeunes chercheurs, ayant achevé leur thèse après sept ou huit ans d’études, ne trouvent que très rarement un poste pérenne. Bien qu’ils soient les piliers des laboratoires publics dans lesquels ils travaillent, et beaucoup, âgés de 30-35 ans, leur statut reste précaire, avec un salaire qui ne permet pas de loger une famille dans une ville comme Paris.

Les dirigeants des universités, comme des organismes publics de recherche, poussent les laboratoires à se financer auprès des entreprises privées, qui ont ensuite un accès privilégié aux données et aux brevets qui sont le fruit des recherches. Ils poussent les chercheurs à partir fonder leurs propres start-up.

L’État verse 6,5 milliards d’euros par an aux entreprises au titre du crédit impôt-recherche (CIR), presque sans contrôle. C’est deux fois le budget du CNRS et plus de six fois celui de l’Inserm, qui sont plutôt au régime sec. L’Institut Pasteur, qui est une fondation, ne peut compter sur l’argent public que pour 40 % de son budget ; il doit solliciter les dons et legs des particuliers. La recherche sur les maladies rares dépend du Téléthon, donc de la générosité du public, qui contraste avec la pingrerie des gouvernements.

Ce sont les grandes firmes pharmaceutiques, dont le chiffre d’affaires se compte annuellement en dizaines de milliards et les profits en milliards, qui empochent le gros du CIR. Mais elles n’investissent pas autant dans la recherche, au contraire. Ainsi Sanofi supprime régulièrement des emplois de chercheurs.

Ces multinationales du médicament laissent les start-up prendre les risques financiers de recherches qui n’aboutissent pas toujours. Mais quand une d’entre elles dépose les brevets d’un traitement qui promet d’être prescrit largement et de rapporter beaucoup, alors les grands de l’industrie pharmaceutique l’achètent, avec ses brevets. Ils confient alors les essais cliniques sur les patients, indispensables pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché d’un vaccin, à des sous-traitants. Ils se concentrent en réalité sur la commercialisation des médicaments au prix le plus élevé possible, au détriment des finances de l’assurance-maladie.

Si l’épidémie de coronavirus est endiguée à l’avenir, on le devra surtout à l’acharnement des chercheurs qui auront su surmonter les difficultés scientifiques et celles que l’industrie pharmaceutique, aux mains des capitalistes, et un État qui met la recherche publique à la diète auront mis sur le chemin du progrès.

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