Catalogne : colère, répression et calculs électoraux23/10/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/10/2673.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Catalogne : colère, répression et calculs électoraux

En Catalogne, après quatre mois de procès contre douze dirigeants politiques accusés d’avoir organisé un référendum réclamant l’indépendance le 1er octobre 2017, le verdict est tombé : de neuf à treize ans de prison pour neuf d’entre eux et dix mois pour les autres.

Immédiatement, à l’appel d’une plateforme appelée « tsunami democratic », soutenue par les Comités de défense de la république (CDR) qui avaient été créés pour organiser le référendum de 2017, ainsi qu’à l’appel de toutes les associations et partis indépendantistes, des milliers de personnes ont manifesté leur colère : des routes et des voies ferrées ont été coupées, l’aéroport de Barcelone bloqué. Le vendredi 18 octobre un appel a été lancé pour organiser un « paro de pais » visant à paralyser la Catalogne, dont le moment fort a été une manifestation centrale à Barcelone qui a regroupé 500 000 personnes.

La répression de cette manifestation a été brutale : 600 blessés, plus de 100 interpellations, 28 emprisonnés.

En pleine campagne pour les législatives, prévues le 10 novembre, les manifestations et les incidents de Catalogne ont marqué toute l’Espagne.

Depuis des mois, on savait que la sentence allait déclencher automatiquement des réactions, et le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, avait choisi d’utiliser la question catalane pour renforcer sa position au Parlement, afin de disposer des moyens de former un gouvernement stable.

Dans cette optique, Pedro Sanchez choisit donc de ne pas retenir le chef d’accusation de rébellion, que demandait la droite, mais de ne retenir que la sédition, qui est assortie de peines moins lourdes.

Sanchez, en jouant sur les deux faces, mobilisation et répression, voulait montrer qu’il était capable de gérer ce conflit avec autorité mais de façon « démocratique », contrairement à la droite qui réclame une répression plus dure et en opposition à Vox, le parti d’extrême droite qui, lui, réclame l’état d’exception en Catalogne.

Du côté des indépendantistes, la situation est complexe, et cela de longue date. Deux partis de la bourgeoisie catalane sont en compétition pour obtenir la majorité, au Parlement catalan, le PDeCAT et Esquerra Republicana. Le président de la Generalitat, (le Parlement catalan) Quim Torra, indépendantiste et membre du PDeCAT, utilise les mobilisations actuelles, ce qui ne l’empêche pas d’envoyer les mossos d’esquadra (la police catalane) cogner sur les manifestants. Les dirigeants du PDeCAT, qui brandissent le drapeau de l’indépendance, sont connus dans toute la Catalogne pour avoir, en 2010, pratiqué les pires coupes budgétaires dans les services publics et pour avoir mené une politique antiouvrière. Ils sont aussi connus pour avoir trempé dans de sombres affaires de corruption. Leur prise de position indépendantiste leur a servi à faire diversion sur leur politique passée et à dévier la colère légitime de la population catalane.

Ils savent que, au bout du compte, cela se terminera par des négociations. Torra a d’ailleurs déjà demandé à négocier, mais Sanchez lui a répondu qu’il attendait plus de fermeté de sa part contre « les violents ». Manière de dire qu’on verrait après les élections. D’un côté comme de l’autre, on manœuvre. Mais en attendant la répression se poursuit, les vidéos se multiplient illustrant la violence policière.

En Catalogne comme dans les autres régions, les classes populaires, les travailleurs n’ont rien à attendre de ces jeux entre politiciens. En Catalogne, la crise est là, comme ailleurs, et la colère gronde, mais elle est déviée par les manœuvres de deux nationalismes qui s’affrontent.

Le « processus catalan » des indépendantistes n’est en rien une ouverture vers une « société catalane plus progressiste ». Au contraire. Ce qui est urgent en Catalogne, comme ailleurs, c’est un programme qui permettrait d’organiser les travailleurs en renouant avec les objectifs de lutte de classe, rassemblant dans une même perspectives les travailleurs d’Espagne, de la péninsule ibérique, en liaison avec tous les travailleurs du monde.

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