Équateur : la révolte fait reculer le gouvernement16/10/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/10/2672.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Équateur : la révolte fait reculer le gouvernement

Le 13 octobre, après dix jours de révolte et de combats de rue à l’échelle du pays, le gouvernement équatorien de Lenin Moreno a annoncé le retrait du décret qui multipliait par plus de deux le prix de l’essence et du diesel.

Ce recul a été vécu comme une victoire par la population, et doit tout à la détermination des manifestants. En effet ceux-ci ont tenu face à une escalade dans la répression, qui a amené le gouvernement à mobiliser l’armée et à instaurer le couvre-feu, et qui a fait huit morts, des centaines de blessés et plus d’un millier d’arrestations.

Ce décret frappait de plein fouet tous ceux, qui comme les paysans, sont obligés de se déplacer en voiture ou en camion. Mais il affectait aussi le transport de marchandises, donc tous les prix. Il faisait partie d’un ensemble d’attaques contre les classes populaires, le « paquetazo » (« gros paquet » [de mesures]), annoncé le 1er octobre, comprenant des mesures de flexibilisation du travail, la suppression de la moitié des congés des fonctionnaires, l’élimination de taxes à l’importation et à l’exportation. Il s’accompagnait d’un prêt du FMI, conditionné comme à chaque fois à ce type d’attaques. Au-delà, depuis son élection, le gouvernement a licencié des centaines de milliers d’employés d’État et diminué les budgets des services publics, au nom de la modernisation de l’économie, en fait pour offrir un champ d’investissement au capital international.

Ces annonces ont mis le feu aux poudres : dès le 3 octobre, les transports publics et les taxis se mettaient en grève ; des milliers de personnes manifestaient, barraient les routes, affrontaient la police. Le gouvernement déménageait de la capitale Quito et décrétait l’état d’exception. Le 7 octobre, la mobilisation changeait d’ampleur, avec l’arrivée dans les grandes villes de milliers d’agriculteurs indigènes (indiens) venus des différentes régions du pays, en famille, pour mener la lutte. Le 9 octobre était déclaré journée de grève nationale par les organisations indigènes. L’objectif était d’occuper le palais présidentiel et l’Assemblée, afin d’exiger la chute du gouvernement.

À la croissance de la mobilisation a répondu celle de la répression. Le 9 octobre, elle a fait officiellement cinq morts et des centaines de blessés. Des snipers étaient postés sur les toits. Un manifestant a été filmé s’écroulant après un tir de police. Parallèlement, le gouvernement censurait les informations et lançait une campagne de calomnies, utilisant toutes les ficelles allant de la haine des pauvres et des indigènes à la xénophobie anti-Vénézuéliens, la ministre de l’Intérieur expliquant que les manifestants étaient payés par le président vénézuélien Maduro.

Si cette politique, jouant sur la peur et la désinformation, a eu un certain effet, surtout sur la petite bourgeoisie, elle n’a pas découragé les manifestants. Face aux tirs de police, ils érigeaient des barricades ; face aux lacrymogènes, ils organisaient des chaînes pour acheminer les pavés. Des médecins soignaient bénévolement les blessés.

Bien que les autres mesures du « paquetazo » restent en place, la suppression du décret sur les carburants a donné lieu à une nuit de fête dans tout le pays. Ce sentiment de victoire se double d’une autre fierté : le gouvernement a dû céder face à des indigènes, qui forment la majeure partie des pauvres du pays et sont l’objet d’un grand mépris.

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