Cristanol – Bazancourt : permis de tuer pour les exploiteurs09/10/20192019Journal/medias/journalarticle/images/2019/10/P12_Rassemblement-cordiste_C_LOs.jpg.420x236_q85_box-60%2C0%2C740%2C383_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Cristanol – Bazancourt : permis de tuer pour les exploiteurs

Le 21 juin 2017, Quentin Zaraoui-Bruat, un ouvrier cordiste de 21 ans, mourait enseveli dans un silo de la distillerie Cristanol de Bazancourt, près de Reims. Cette distillerie appartient au groupe Cristal Union, premier producteur français de sucre industriel et deuxième producteur européen d’éthanol, qui distribue entre autres la marque Daddy.

Illustration - permis de tuer pour les exploiteurs

Au procès qui s’est ouvert le 4 octobre au tribunal de Reims, seule l’entreprise sous-traitante ETH, qui employait Quentin, était appelée à comparaître. L’association Cordistes en colère, cordistes solidaires, qui appelait à un rassemblement devant le tribunal, a fait connaître les témoignages de ses camarades de travail. Ils décrivent l’épuisement dû aux dizaines d’heures supplémentaires imposées, aux conditions de travail dangereuses, dans l’obscurité, la poussière et la chaleur étouffante dans ces silos. Aucun des cinq ouvriers présents ce jour-là, tous intérimaires, n’avait reçu les formations nécessaires et ils ne disposaient pas non plus des téléphones spécifiques, ne produisant pas d’étincelles, qu’ils auraient dû pouvoir utiliser dans le silo.

Surtout, ces travailleurs dénoncent le fait que la direction de Cristanol, uniquement soucieuse de ne pas interrompre la production, les a envoyés en urgence intervenir dans un silo qui venait d’être rempli aux deux-tiers, au mépris de toutes les règles de sécurité. L’ouverture imprévue d’une trappe de vidange dans ce silo a causé la mort de Quentin, et a failli emporter un de ses camarades de travail qui essayait de le sortir de là.

Le lendemain de l’accident, Cristal Union proclamait dans un communiqué de presse son « excellente performance financière » : 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 16 mois. Et un an plus tard, lors de l’assemblée générale du groupe, son directeur général adjoint annonçait : « Les cadences ont été les plus élevées que Cristal Union ait jamais connues » et se félicitait du fait que « les tonnages de Bazancourt ont été allègrement dépassés ».

La mort de Quentin n’est pas la première : deux autres jeunes cordistes de 23 et 33 ans sont morts dans des conditions semblables en 2012 à Cristanol. En mars dernier, le groupe Cristal Union et l’entreprise sous-traitante Carrard ont chacun été condamnés pour ces morts. Mais pour celle de Quentin Zaraoui-Bruat, le procureur a choisi de ne pas faire comparaître Cristal Union, alors que le rapport rédigé par l’inspection du travail établit la responsabilité de Cristanol. Entre Cristanol et l’agence d’intérim qui avait recruté les cordistes, il y avait trois intermédiaires : une première agence d’intérim les mettait à la disposition d’une deuxième agence, qui les envoyait en mission chez ETH, sous-traitant pour Cristanol. Le procureur s’est appuyé sur ces paravents pour dédouaner Cristal Union de sa responsabilité.

Mais, comme le disent les membres de l’association, ce qui a tué Quentin, c’est « la course au rendement et la pression instaurée par le donneur d’ordres qui ruissellent sur une cascade de sous-traitants ».

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