L’insurrection de Paris : une opération politique28/08/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/08/2665.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Il y a 75 ans

L’insurrection de Paris : une opération politique

La maire de Paris a inauguré un nouveau musée de la Libération de Paris. Cela a été une nouvelle occasion de ressortir la fable de l’insurrection populaire libérant Paris.

Les troupes allemandes de Paris se sont rendues le 25 août, certes après six jours de combat des résistants FFI (Forces françaises de l’intérieur), mais surtout après l’arrivée des premiers soldats du débarquement. Le commandement allié a laissé arriver en premier ceux de la 2e division blindée française, en accord avec le général de Gaulle, qui pouvait ainsi entretenir la légende d’une France libérée par les Français. Dans un premier temps, les Américains, doutant de la capacité des hommes politiques français à sauver l’appareil d’État discrédité, avaient prévu d’assurer l’ordre eux-mêmes, avec leur administration d’occupation et même une monnaie. Mais de Gaulle a fini par les convaincre qu’il pourrait prendre les choses en main. Il avait derrière lui à la fois toute une partie de l’administration mais aussi le Parti communiste, qui suivait ainsi la politique de Staline.

Ceux qui se préparaient à gouverner, comme le CNR, Conseil national de la résistance, qui associait surtout des militants du PC et des représentants gaullistes, savaient qu’il leur faudrait réhabiliter la police et l’administration, celles-là mêmes qui avaient arrêté et livré aux nazis des dizaines de milliers de Juifs et de nombreux résistants, communistes en particulier.

Il le fallait, d’une part pour assurer la continuité de l’État et de l’ordre social, d’autre part parce que, absoudre l’État, c’était aussi absoudre industriels et banquiers. L’opération visait à repeindre la police aux couleurs de l’antinazisme, pour justifier qu’elle reste en place, telle quelle. Peu de responsables impliqués dans les crimes de la collaboration ont été arrêtés. Par contre, le lendemain, sur des tréteaux dans certains quartiers, des femmes furent tondues pour avoir couché avec des Allemands. Les autorités issues de la résistance, gaullistes, socialistes ou staliniens, laissant les pires instincts se défouler, organisaient une diversion destinée à écarter tout risque de manifestation du mécontentement populaire.

Au total, la « bataille de Paris » a coûté la vie à près de 1 000 FFI, 130 soldats de la 2e DB et environ 600 civils, ainsi qu’à plus de 3 000 soldats allemands. Mais ce ne fut pas une insurrection populaire : les insurgés se dépêchèrent de rendre armes, places et barricades à la police, à l’armée et à l’État. La guerre continuait et de Gaulle avait besoin du soutien populaire pour pouvoir faire valoir les intérêts de la bourgeoisie française auprès des alliés américains, et en particulier garantir la pérennité des colonies,

L’insurrection, organisée en grande partie par des militants du PCF, était un élément important de cette mise en scène. 75 ans plus tard, la légende est toujours en place, mais l’action du PCF est quasiment passée sous silence dans les discours officiels, les commémorations et les expositions.

La bourgeoisie française n’a décidément pas la reconnaissance du ventre.

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