La Poste : mort pour les profits

17 Juillet 2019

La Poste vient d’être condamnée à une amende de 120 000 euros pour « prêt de main-d’œuvre illicite ». Un bien faible qualificatif lorsqu’on se souvient des circonstances dans lesquels un jeune travailleur originaire du Mali, Seydou Bagaga, s’est noyé, en décembre 2012, en tentant de récupérer un colis tombé dans la Seine alors qu’il venait le livrer sur une péniche.

L’ex-gérant de l’agence Coliposte d’Issy-les-Moulineaux et le patron d’une petite entreprise sous-traitante ont de leur côté écopé de six mois de prison avec sursis. Le jeune livreur travaillait pour l’entreprise DNC Transport, prestataire de Coliposte, l’opérateur du groupe La Poste pour les colis. Il n’était pas déclaré alors qu’il livrait déjà les colis depuis une semaine, et ce n’est qu’au lendemain de l’accident que son employeur lui a bricolé un contrat. Il attendait de voir « s’il donnait satisfaction à Coliposte pour l’embaucher définitivement », a-t-il déclaré. De fait, le véritable employeur était La Poste. Dans le bâtiment où étaient récupérés les colis, il y avait alors 27 salariés sous-traitants pour six salariés de Coliposte.

La Poste paye les patrons des entreprises sous-traitantes selon le nombre de colis effectivement livrés, et impose des pénalités financières en cas de mise en instance ou de retard de livraison.

Ceux-ci répercutent ces exigences sur leurs salariés et ne leur versent qu’une paye bien inférieure à celle des postiers. Ces travailleurs doivent livrer jusqu’à 200 colis dans la même journée, contre une centaine pour les titulaires, et les zones les plus ingrates leur sont réservées. Pour eux, c’est une course infernale pour effectuer le maximum de livraisons, tous les jours, sauf le dimanche.

Le secteur des colis est l’un des plus rentables de La Poste, avec un volume dont l’augmentation permanente est liée aux commandes par Internet. Le système de la sous-traitance permet à La Poste d’accroître encore ses profits, en se lavant les mains des conditions inhumaines dans lesquelles travaillent les salariés de ces entreprises. Aujourd’hui, 80 % de la livraison de colis en Île-de-France sont effectués de cette manière.

Après le verdict, les représentants de La Poste ont déclaré que « ce drame ne doit pas être instrumentalisé pour instruire le procès du recours par La Poste à la sous-traitance ». Malgré une mort dont elle est la principale responsable, La Poste persiste et signe.

Daniel MESCLA