Dans les entreprises

Procès France Télécom : des mots durs pour une peine douce

Après deux mois d’audience devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès de sept anciens dirigeants de France Télécom se terminait le 11 juillet. Les prévenus, accusés d’avoir généralisé le harcèlement moral pour supprimer 22 000 emplois à marche forcée, risquent au maximum un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Par sa médiatisation comme par l’intensité des témoignages d’anciens salariés, ou des proches de ceux qui ont été poussés au suicide, ce procès a été instructif. Mutations arbitraires, techniciens transformés en commerciaux, agents de ligne mutés dans des centres d’appels, mises au placard : pour faire partir un salarié sur cinq « par la porte ou par la fenêtre », Didier Lombard, ex-PDG, Olivier Barberot, ex-directeur des ressources humaines, Louis-Pierre Wénès, ex-directeur des opérations, ont systématisé ces méthodes. Ce qui a fait dire à la procureure : « C’est le dossier le plus grave de harcèlement moral que j’ai eu à voir », ajoutant : « Ces chefs incontestés de la politique managériale de l’entreprise […], peuvent qualifier leurs agissements ainsi : le harcèlement moral est mon métier. »

Mais cette politique, pratiquée à grande échelle chez France Télécom, est la méthode ordinaire de tous les grands groupes pour supprimer des emplois par milliers. Dès que le cours des actions baisse, dès que la concurrence devient plus forte, les patrons de toutes les entreprises jettent par-dessus bord ceux qui les ont enrichis pendant des années grâce à leur travail. C’est le fonctionnement normal de l’économie capitaliste. Dix ans plus tard, Lombard et ses acolytes persistent et signent : ils ont « sauvé l’entreprise de la faillite » et regrettent que « le phénomène médiatique ait détruit le succès de la transformation ». Autrement dit, ils ont détruit la vie de 22 000 familles et poussé des travailleurs au suicide pour sauver les dividendes des actionnaires, et il faudrait les féliciter !

En dépit de ce procès médiatisé, finalement rarissime, la loi et la justice cautionnent ces méthodes. En réclamant un an de prison, les procureures ont souligné qu’elles réclamaient la peine maximale encourue pour de telles méthodes. L’extrême légèreté de cette peine est à mettre en regard avec la sévérité de la justice à l’égard des travailleurs mobilisés pour défendre leurs emplois, chez Air France, Goodyear ou ailleurs.

Pour avoir retenu quelques heures, en 2014, des hauts cadres venus annoncer la fermeture de leur usine, sept militants de Good­year Amiens ont été définitivement condamnés à des mois de prison avec sursis. Des juges les avaient même condamnés, avant appel, à 24 mois dont neuf ferme. Quel que soit le jugement de ce procès France Télécom, rendu d’ici plusieurs mois et très probablement contesté par les accusés, la justice restera une justice de classe : dure avec les travailleurs qui osent se révolter, et douce avec les patrons, même quand leurs choix managériaux détruisent des vies.

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