Turquie : une claque pour Erdogan et son gouvernement26/06/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/06/2656.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : une claque pour Erdogan et son gouvernement

Après celles du 31 mars dernier, une élection municipale avait lieu une deuxième fois le 23 juin à Istanbul. Pour Erdogan et le candidat de son parti, Binali Yildirim, cela a été une défaite cuisante. Le candidat de l’opposition, du parti CHP, dit social-démocrate, a été élu maire de la grande ville du Bosphore, avec cette fois 806 000 voix d’avance, bien plus que les 13 000 voix d’avance d’il y a trois mois.

Erdogan, dont la carrière politique a commencé à la mairie de cette ville, a souvent répété que « remporter Istanbul, c’est remporter la Turquie ». C’est sans doute la raison pour laquelle lui et son gouvernement ont tout fait pour tenter de garder la direction de cette municipalité qui, avec ses 16 millions d’habitants et un tiers du PIB (produit intérieur brut), a une place de premier plan dans l’économie turque.

Erdogan et son parti l’AKP avaient donc fait annuler les élections du 31 mars en faisant pression sur la Haute Commission électorale, prétextant des fraudes qu’ils n’ont jamais justifiées. En réalité, s’il y a eu des fraudes, elles étaient plutôt de leur fait.

L’AKP, qui le 31 mars a déjà perdu les municipalités de nombreuses grandes villes, dont la capitale Ankara, a donc tout tenté pour reconquérir celle d’Istanbul. Cela n’a fait qu’accentuer sa défaite. Après avoir gardé une large assise dans les classes populaires tant que la situation économique était bonne, l’AKP et Erdogan payent les conséquences de la dégradation rapide de celle-ci. La dégradation des conditions de vie, la baisse du pouvoir d’achat, l’augmentation incessante du chômage entraînent un mécontentement croissant, contre lequel les discours agressifs du président, traitant tous ses adversaires de terroristes n’ont plus prise. On l’a vu avec les résultats du vote du 23 juin.

Enfin, les représentants du grand patronat turc, inquiets de la situation, ont pris ouvertement position contre le gouvernement AKP. Les dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne aimeraient aussi visiblement qu’une alternative à Erdogan et à son gouvernement se dégage. Cette fois, après de nombreuses tentatives, c’est le parti CHP qui apparaît comme le mieux à même d’en constituer une.

Ekrem Imamoglu, le candidat du CHP qui vient de conquérir la mairie, a réussi à s’afficher comme un homme nouveau et sympathique, proclamant dans ses slogans qu’avec lui tout va bien se passer. Et, ce qui ne gâte rien sur le plan électoral, il s’est affiché dans les mosquées d’Istanbul durant le ramadan en s’affirmant bon musulman. Il s’est aussi adressé à Erdogan en disant « être prêt à travailler avec lui ». Dans sa campagne électorale, le CHP n’a pas non plus hésité à s’allier avec des partis de la droite nationaliste.

Le CHP est maintenant installé dans une situation confortable d’opposant face au gouvernement Erdogan, alors que celui-ci, malgré les coups de menton et les vagues de répression tous azimuts, ne réussit pas à sortir d’une crise catastrophique qu’il devra pourtant continuer à gérer. On peut maintenant se demander si celui que l’on appelle le « sultan » arrivera au bout des quatre années de présidence qu’il lui reste à accomplir.

Quant aux travailleurs, aux jeunes, aux couches populaires, aux Kurdes à qui le pouvoir continue de nier des droits élémentaires, ils seront peut-être encouragés par la défaite politique d’Erdogan. Mais, pour eux, mieux vaudra se fier à leurs propres mobilisations qu’aux promesses du CHP et de son homme « nouveau ».

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