Plan Santé : les déserts médicaux vont progresser08/05/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/05/2649.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Plan Santé : les déserts médicaux vont progresser

Le projet de loi Santé du gouvernement doit être examiné en juin au Sénat. La ministre Agnès Buzyn en a donné quelques mesures, certainement pas de quoi enrayer la désertification médicale.

Huit millions de personnes vivent en effet en France dans un désert médical. Dans ces 11 329 communes, soit une sur trois, selon la dernière étude statistique du ministère de la Santé, un habitant a accès, en moyenne, à moins de 2,5 consultations par an.

Plus que géographique, la coupure est sociale : elle frappe non seulement certaines communes à l’écart des grandes agglomérations, mais aussi des villes ouvrières de banlieue. Le Bourget, Argenteuil, Cachan ou Orly, en banlieue parisienne, sont ainsi classés dans les déserts médicaux.

Cela signifie des délais d’attente de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous, et conduit parfois à renoncer à se soigner. La situation est encore plus dramatique pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, un gynécologue, un dermatologue ou un pneumologue : il faut parfois patienter plusieurs mois, au risque d’un retard dans le diagnostic de tumeurs ou d’affections graves.

L’autre conséquence est la saturation des services d’urgence contraints de pallier la déficience de médecins de proximité. Or, la situation continue de se dégrader avec le non-remplacement de médecins de famille partant en retraite, et près de la moitié des médecins généralistes (47 %) a plus de 60 ans.

Cette pénurie a été tout à fait organisée et planifiée. Le numerus clausus, instauré depuis 1971, a limité artificiellement le nombre d’étudiants en deuxième année de médecine. Il a été maintenu volontairement bas, passant par exemple de 8 700 en 1980 à 3 000 au début des années 1990. Cela a ruiné bon nombre de vocations de médecins mais permis à l’État de réaliser des économies sur une formation longue et coûteuse.

Les conséquences de cette pénurie sont d’autant plus graves que les gouvernements n’ont jamais envisagé d’imposer aux médecins, contrairement aux enseignants par exemple, de s’installer en fonction des besoins de la population, alors que leur formation est financée par la collectivité. C’est ainsi que la densité de médecins est dix fois plus importante sur la Côte d’Azur que dans les quartiers populaires ou des départements ruraux.

Les préconisations d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, sont des emplâtres sur une jambe de bois. Elle a certes annoncé la suppression du numerus clausus à partir de 2020, mais sans aucune garantie de former le nombre de médecins nécessaires. Elle incite les médecins en retraite dans les déserts médicaux à continuer une activité, en échange d’exonérations de complémentaires vieillesse. Elle monte en épingle la vaccination par les pharmaciens, la prescription de certains médicaments par des infirmiers ou encore les téléconsultations entre un patient et son médecin via un logiciel comme Skype.

On le voit, plutôt que de prescrire le remède : la formation et l’installation de personnel de santé partout à l’échelle du territoire, le gouvernement opte pour le placebo.

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