Migrants à Calais : une action désespérée06/03/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/03/LO2640.jpg.445x577_q85_box-0%2C26%2C656%2C876_crop_detail.jpg

Leur société

Migrants à Calais : une action désespérée

Samedi 2 mars au soir, une centaine de migrants se sont introduits dans l’enceinte du port de Calais après avoir forcé les grilles qui l’entourent, décidés à monter à bord d’un ferry qui venait d’accoster en provenance d’Angleterre. Plus de la moitié ont réussi.

Une grande partie des migrants ont quitté le ferry quand la police est intervenue. Celle-ci a inspecté le navire toute la nuit pour débusquer ceux qui se cachaient. 17 migrants ont refusé de descendre des cheminées où ils s’étaient réfugiés, alors que la tempête rendait leur situation périlleuse. Ils ont été délogés au matin. Une soixantaine ont été interpellés et placés en garde à vue.

Les militants associatifs qui aident les réfugiés savent que l’ambiance est très tendue actuellement, suite au démantèlement du campement chaque matin et à la pose récente de grillages sous les ponts de la ville et au niveau des échangeurs autoroutiers, là où les migrants tentent de trouver un abri. Au mur et aux dizaines de kilomètres de doubles ou triples rangées de hauts grillages surmontés de barbelés existant déjà, on vient d’ajouter un nouveau mur de trois mètres de haut construit autour d’une station Total, pour empêcher les intrusions dans des camions. Comme l’a dit un migrant : « Les grilles ne nous empêcheront pas de passer ; on ne va pas faire demi-tour si près de notre but. »

Les déclarations des autorités ont rivalisé d’hypocrisie. Le président des sociétés d’exploitation du port, fier de ses clôtures sécurisées, a déclaré être étonné que des migrants aient pu les franchir et dit que, forcément, « l’opération avait été préparée par des passeurs ». Le président de région, de droite, Xavier Bertrand, a réclamé « de renforcer nos forces de l’ordre à la veille d’un Brexit qu’utilisent les passeurs pour promouvoir leur trafic », demandant à la justice « des sanctions exemplaires pour ceux qui s’introduisent illégalement dans les ports. » La maire LR de Calais, Natacha Bouchart, a elle aussi déploré la baisse du nombre de policiers, qui « met en péril les usagers du port », et a exigé de l’État « des réponses judiciaires fermes et des expulsions. »

Mais ce ne sont pas les passeurs qui poussent les migrants, c’est le désespoir. Comme l’a dit Christian Salomé, président de l’association Auberge des migrants : « Ils sont à bout ; alors ils tentent le tout pour le tout. » Ils sont des centaines chaque nuit à faire face à la police pour tenter le passage. Peu réussissent, mais ils recommencent. Ils ne se découragent pas parce que, même si leurs chances s’amenuisent, ils reçoivent encore des messages de leurs amis parvenus en Angleterre. Depuis janvier, il y a eu une cinquantaine de tentatives de traversées de la Manche sur des embarcations de fortune, car les migrants sont déterminés à échapper à une situation sans issue.

Les politiciens qui demandent encore plus de répression ne font que rivaliser en démagogie en prenant pour cible les migrants. Le harcèlement policier quotidien et la multiplication des barrières en tous genres rendent leur vie insupportable. Cette politique vise à éviter la formation à Calais d’un nouveau camp, analogue à celui de la Lande qui comptait 10 000 migrants avant son démantèlement en 2016, et à leur ôter tout espoir de passer. Mais les réfugiés continuent à errer dans le Calaisis. Ils sont actuellement entre 350 et 500, venus surtout du Soudan, d’Éthiopie, d’Érythrée, du Pakistan, d’Afghanistan, d’Irak et depuis peu d’Iran.

Ceux qui pointent la responsabilité des passeurs cherchent à masquer celle de l’État, qui impose aux migrants de survivre dans des conditions inhumaines, quand il ne réussit pas à bloquer leur arrivée. Ceux que la misère, la guerre ou la dictature ont chassés de leur pays ont pleinement le droit d’être accueillis dignement.

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