Dans les entreprises

Cristanol – Bazancourt : condamné pour la mort de deux ouvriers

Le tribunal a condamné le 1er mars pour homicides et blessures involontaires le géant sucrier Cristal Union et son sous-traitant Carrard services, après le décès en 2012 de deux ouvriers cordistes, ensevelis dans un silo à sucre de l’usine Cristanol à Bazancourt, dans la Marne.

Les deux sociétés doivent payer chacune 100 000 euros tandis que les deux chefs d’établissement ont écopé d’une amende de 15 000 euros et de six mois de prison avec sursis. Cette condamnation est importante pour les proches des victimes. Mais, comme l’a déclaré un des ouvriers rescapés, « les vrais patrons qui contrôlent les groupes ne sont jamais cités… Le nom du président de Cristal Union n’apparaît nulle part. » Selon un avocat des ouvriers, « la lenteur de la justice n’est pas sans rapport avec la puissance économique qui se trouve face à nous. On a le sentiment que Cristal Union, dans la région, c’est un État dans l’État. » C’est en effet le deuxième groupe sucrier en France et son site de Bazancourt est une des plus grandes bioraffineries au monde.

Dans cette affaire, sa responsabilité est écrasante. Les deux cordistes sont décédés parce que, pendant qu’ils nettoyaient les parois du silo, une vanne a été malencontreusement ouverte. Cela a entraîné un effet de sablier, qui les a aspirés sous des tonnes de sucre. Normalement, les cordistes ont leur propre cadenas de consignation, qui empêche toute autre personne d’ouvrir les vannes pendant qu’ils travaillent. Mais ils ne pouvaient pas opérer ainsi dans cette usine. D’autre part, l’inspection du travail a relevé qu’il n’y avait ni plan de prévention adapté, ni moyen d’évacuer une personne en cas de danger.

Plus accablant encore pour Cristanol : après ce premier accident mortel, rien n’a changé. En 2017, un troisième cordiste est décédé sur le même site, toujours à cause de l’ouverture accidentelle d’une vanne. Pire encore : toute l’équipe de cordistes était alors constituée d’intérimaires peu formés et inexpérimentés, qui enchaînaient des journées de onze heures de travail. D’après l’un d’eux, « les deux dernières semaines avant l’accident, on a clairement senti une pression de plus en plus forte de la part de la direction [Cristanol]. Elle exigeait qu’on soit beaucoup plus productifs. » Elle avait même menacé clairement son sous-traitant de le remplacer si les travaux n’avançaient pas plus vite.

L’aggravation des conditions de travail, le manque de formation et le non-respect des règles élémentaires de sécurité sont très fréquentes dans ce secteur. 17 cordistes ont perdu la vie au travail en onze ans et, sur 8 500, 4 200 sont aujourd’hui intérimaires, soit une augmentation de 50 % en dix ans. La pression pour faire faire le travail au moindre coût se traduit par l’aggravation de la précarité, mais aussi de l’insécurité.

Derrière chaque ouvrier décédé au travail, et il y en a eu 514 en France en 2016, il y a presque toujours la soif effrénée de profit du capital.

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