Loi alimentation : taillée sur mesure pour la grande distribution

06 Février 2019

Au 1er février, les prix de milliers de produits alimentaires ont augmenté d’un taux pouvant aller de 3 à 6 %. C’est le résultat direct de la loi alimentation votée en novembre 2018 et appliquée maintenant. Le gouvernement prétend que cette loi va permettre de mieux rétribuer les agriculteurs. Mais dans les faits, les seuls à tirer leur épingle du jeu, pour l’instant, sont les patrons de la grande distribution.

La loi alimentation interdit aux supermarchés de vendre à perte sous peine de sanction, le seuil de revente à perte étant fixé maintenant à 10 % de marge. En clair, cela veut dire qu’un supermarché qui achète un produit 100 euros doit nécessairement le revendre au moins 110 euros. Du coup, les enseignes qui faisaient le choix d’attirer la clientèle en vendant certains produits à prix coûtant ne vont plus le faire.

Les produits concernés étaient l’épicerie salée et sucrée (le Nutella par exemple) les boissons alcoolisées et non alcoolisées, comme le coca cola, les pizzas, les fromages et les aliments pour animaux. Bien sûr, ces enseignes se rattrapaient en faisant une marge supérieure sur d’autres produits et n’étaient en rien perdantes. De la même manière, les promotions du type « un produit acheté, un produit offert » seront maintenant interdites. La loi autorise 34 % de promotions seulement. Du coup, les familles populaires qui attendaient celles-ci pour garnir leur réfrigérateur vont payer plus cher.

On a pu voir à la télévision Michel-Édouard Leclerc feindre de prendre la défense des consommateurs en posant devant un tableau intitulé « Nouvelle loi de notre président Macron ». Ce tableau détaillait les hausses de 9,9 % sur le Ricard et de 10 % sur le café Carte noire. Mais Leclerc défend surtout son pré carré car, dans la concurrence que se livrent les acteurs de la grande distribution, lui comme d’autres enseignes ont fait des promotions leur marque de fabrique. Mais, contrairement à ce qu’ils affirment, rien ne les contraint aujourd’hui à augmenter leurs prix. Ils pourraient compenser l’absence de promotions en réduisant leur marge sur les autres produits, sur la viande ou les légumes par exemple, et éviter ainsi une hausse générale des prix. Visiblement ils ne veulent pas le faire.

Le gouvernement prétend qu’à terme les enseignes paieront automatiquement mieux le producteur de lait ou l’agriculteur, qu’en évitant ainsi la guerre des prix entre les distributeurs, les producteurs seront à terme gagnants. Mais il s’interdit toute contrainte à l’égard des patrons de la grande distribution. Il compte sur leur bonne volonté pour faire bénéficier les producteurs de la hausse des prix que va subir le consommateur. C’est demander du lait à un bouc.

Le gouvernement le sait pertinemment, cette loi alimentation offre à la grande distribution l’occasion d’encaisser des marges supérieures aux dépens des consommateurs, dont les producteurs ne verront probablement guère la couleur.

Aline URBAIN