Afghanistan : guerre officielle et guerre secrète02/01/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/01/2631.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afghanistan : guerre officielle et guerre secrète

Alors que des diplomates américains discutent discrètement avec les talibans et que les États-Unis cherchent les moyens de réduire le nombre de leurs soldats en Afghanistan, la sale guerre imposée au peuple afghan ne semble pas près de prendre fin.

C’est en 2001 que les États-Unis ont envoyé leur armée dans ce pays d’Asie centrale pour renverser le pouvoir des talibans et le remplacer par un régime à leur convenance. Ils ont entraîné une douzaine d’autres pays occidentaux dans leur sillage, dont la France jusqu’en 2014.

Mais dix-huit ans après l’invasion de l’Afghanistan, les talibans sont toujours présents dans de nombreuses régions du pays et le régime afghan soutenu par les États-Unis ne contrôle même pas toujours les abords de la capitale Kaboul. C’est un enlisement militaire et une impasse politique.

Il reste environ 8 000 soldats américains dans le pays après qu’il y en a eu jusqu’à 100 000. Mais la présence américaine ne se limite pas à ces soldats. Les avions américains ont déversé 3 000 bombes sur le pays au cours du seul premier semestre 2018. Des mercenaires sont payés pour essayer d’assurer la sécurité des politiciens afghans alliés des États-Unis.

Mais c’est surtout le rôle des services secrets, avec la CIA, qui est amené à croître si la présence officielle de l’armée américaine diminue. La CIA est un acteur de cette guerre depuis son origine, et même avant puisque c’est elle qui avait financé dès les années 1980 des groupes islamistes pour organiser la guérilla contre les troupes soviétiques. Ainsi Ben Laden avait été armé par la CIA, qui avait aussi aidé les talibans de concert avec les services secrets pakistanais.

Ben Laden et les talibans sont devenus depuis des ennemis des États-Unis. Mais la CIA continue de financer, organiser, former et commander des troupes spéciales afghanes qui font régner la terreur dans les campagnes.

Ainsi, dans la région de Khost, frontalière du Pakistan, la CIA entretient une force de plusieurs milliers d’hommes, payés trois fois plus que les soldats réguliers afghans et qui forment de véritables escadrons de la mort. Selon une enquête du journal américain New York Times, cette armée parallèle a comme spécialité de fondre sur des villages la nuit et de tuer tous ceux qu’elle considère comme suspects.

Un de ces raids a conduit à la mort de deux frères que les autorités locales avaient pourtant autorisés à irriguer leurs champs la nuit. Un autre a fait douze victimes lorsque les tueurs ont envahi la mauvaise maison dans un village où ils recherchaient des talibans.

Les familles des victimes ne peuvent pas porter plainte car même les autorités afghanes n’ont aucune prise sur ces actions nocturnes. Elles se plaignent pourtant que de tels crimes de guerre poussent les villageois dans les bras des talibans et les renforcent. Quant aux autorités militaires américaines de Kaboul, occupées à couvrir leurs propres bavures lors des bombardements aériens, elles font semblant d’ignorer ce que la CIA fait dans les provinces en guerre.

Le nombre de civils victimes de cette guerre n’a cessé d’augmenter depuis dix ans. Au premier semestre 2018, ils ont été près de 1 700.

Les dirigeants américains aimeraient clore officiellement la guerre d’Afghanistan, la plus longue qu’ait menée leur pays à ce jour. Mais la population afghane continuera à en payer le prix en subissant les coups tordus de la CIA.

Partager