Nos lecteurs écrivent : à propos des gilets jaunes19/12/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/12/2629.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Nos lecteurs écrivent : à propos des gilets jaunes

« Je vous écris pour vous raconter un bout du mouvement des gilets jaunes dans le Limousin. J’ai des proches qui y vivent et y participent depuis le début, je viens de passer une semaine avec eux.

Ce coin du Limousin, à mi-chemin entre Limoges et Périgueux, est délaissé depuis des années. Les centres des impôts, les bureaux de poste, les hôpitaux, les commerces ferment les uns après les autres. Les habitants de ces villages sont dans l’obligation d’avoir une voiture pour s’approvisionner, se rendre au travail, se soigner. Pas étonnant que sur de nombreux ronds-points, le slogan « Rural-bol » y soit inscrit. Pour de nombreux habitants, il faut rouler sur des dizaines de kilomètres pour le moindre service.

Sur les ronds-points où j’étais se retrouvent des retraités de Renault Trucks ou de la SNCF, des fonctionnaires, des agents hospitaliers, des petits artisans et des agriculteurs. Tous partagent le fait de ne pas s’en sortir et ils sont fiers de participer à ce mouvement collectif. Une profonde solidarité a cimenté les participants. Régulièrement sur la D2000, la gendarmerie fait lever des barrages, mais ils sont remontés au rond-point suivant. Des gilets jaunes préviennent la venue des gendarmes grâce aux portables et au réseau qui s’est construit, des agriculteurs amènent alors des rondins de bois, chacun gare sa voiture pour ralentir la venue des gendarmes.

La solidarité est partout : de nombreuses denrées périssables sont données par les automobilistes, des participants des barrages organisent alors des ateliers de sandwiches et vont faire des maraudes jusqu’à Limoges pour les offrir aux plus démunis.

Enfin, partout ça discute et j’ai été particulièrement touchée quand sur un rond-point des très anciens du village expliquaient à des jeunes tentés par les préjugés xénophobes, les conséquences de la politique de l’extrême droite en racontant leur propre vie d’enfants de réfugiés espagnols. À la chaleur humaine s’ajoutent des discussions politiques comme on n’en entendait plus beaucoup. Cette envie de discuter se retrouve partout, même dans le supermarché local, quasiment tout le monde se promène avec son gilet jaune et chaque rencontre, c’est une discussion.

Il y a de tout dans ce mouvement des gilets jaunes, mais il y a aussi cette force : quand ceux d’en bas s’y mettent, plein de barrières sautent, en particulier celles qu’il y a dans les têtes. »

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