Nouvelle-Calédonie : le référendum sur l’indépendance et ses enjeux31/10/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/11/2622.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Nouvelle-Calédonie : le référendum sur l’indépendance et ses enjeux

Dimanche 4 novembre, les électeurs de la Nouvelle-Calédonie sont appelés aux urnes pour répondre à la question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Mais, même si la réponse des urnes est oui, on peut prévoir que cela ne mettra pas fin à la domination de l’impérialisme français sur cet archipel, une base avancée qu’il juge essentielle pour lui dans cette région du monde.

La Nouvelle-Calédonie fut conquise par la France en 1853. Les Mélanésiens (les Kanaks aujourd’hui) qui habitaient ces îles faillirent disparaître, décimés par la répression de l’armée française mais aussi par les maladies importées, l’alcool et la sous-alimentation. L’archipel devint pour l’impérialisme français une colonie de peuplement : à la fin du 19e siècle, des colons s’y attribuèrent les meilleures terres, volées aux Kanaks. En plus des fonctionnaires, des militaires, l’État français y envoya des milliers de condamnés au bagne, notamment d’anciens communards de 1871 et des Kabyles condamnés après leur révolte anticoloniale. Les descendants de ces colons et bagnards, les Caldoches, furent ensuite numériquement renforcés par l’afflux de métropolitains, mais aussi de populations venues d’autres colonies françaises d’Asie et du Pacifique. Aujourd’hui, parmi les 269 000 habitants de Nouvelle-Calédonie, les Kanaks sont au nombre de 105 000, en minorité, et le non à l’indépendance a toutes les chances de l’emporter.

Mais, même en cas de victoire du oui, l’impérialisme français n’est pas menacé dans ses positions. Avec les accords de Matignon, signés avec les nationalistes kanaks après le massacre par l’armée française de 19 militants nationalistes en 1988, il a cherché à intégrer la petite bourgeoisie kanake en lui réservant des postes et une place dans l’économie de l’île. Ainsi les dirigeants nationalistes du FLNKS (Front de libération kanak socialiste) eurent accès à des responsabilités dans les nouvelles régions faites sur mesure pour eux, ainsi que dans les sociétés exploitant la principale richesse de l’île, le ­nickel. Les principaux courants nationalistes kanaks ne désirent d’ailleurs rien d’autre qu’un « nouveau partenariat avec la France », ce qui pour beaucoup pourrait prendre la forme d’une association, à l’image du statut de la principauté de Monaco ou de celle d’Andorre. En cas de victoire du oui à l’indépendance, la petite bourgeoisie kanake aurait simplement un peu plus de marge de manœuvre vis-à-vis de Paris pour négocier de nouvelles positions.

La société calédonienne reste profondément inégalitaire, largement dominée par la bourgeoisie française et caldoche. Selon l’origine, la société ne réserve pas le même sort à chacun. À Nouméa-la-blanche, le taux de pauvreté est de 7 %, tandis qu’il est de 35 % au Nord et de 52 % dans les îles Loyauté, où résident beaucoup de Kanaks. De même, le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé chez les Kanaks. Partout, à l’école, dans l’emploi et le logement, ceux-ci sont des citoyens de seconde zone. La discrimination, l’oppression ethnique et le racisme restent sensibles et viennent s’ajouter à l’exploitation capitaliste. Plus particulièrement, la jeunesse kanake, massivement touchée par le chômage, subit cette oppression de plein fouet. Ses possibles réactions suite à la victoire du non sont un sujet d’inquiétude de bien des politiques, à Nouméa comme à Paris. C’est pourquoi, depuis des mois, les responsables politiques, caldoches comme kanaks, le gouvernement et Macron lui-même, qui a visité l’île en mai dernier, voudraient faire passer le message que la société calédonienne doit rester unie et stable, quel que soit le résultat du référendum. De même, Édouard Philippe a annoncé qu’il se rendrait en Nouvelle-­Calédonie au lendemain du référendum, le 5 novembre, quel que soit son résultat, sans doute pour tenter d’apaiser les tensions.

L’impérialisme français, les bourgeois et petits bourgeois de l’archipel craignent les réactions de la jeunesse kanake au résultat du référendum. Mais l’enjeu réel de celui-ci pour les forces politiques locales est de mesurer leur poids respectif. Le rapport de force qui se dégagera du référendum influera sur la répartition des postes d’influence sous l’égide de l’État français.

Pour les travailleurs et pour tous les exploités, en finir avec la domination de l’impérialisme et avec toutes les formes d’oppression implique qu’ils mettent en avant leurs intérêts spécifiques, tant face à la bourgeoisie française et caldoche que face à la petite bourgeoisie nationaliste kanake.

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