Irlande : le délit de blasphème existait encore31/10/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/11/2622.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irlande : le délit de blasphème existait encore

En Irlande, lors du référendum qui s’est tenu le 26 octobre, 70 % des votants se sont déclarés favorables à l’abolition du délit de blasphème. Même si moins de la moitié des électeurs inscrits se sont déplacés, contrairement au précédent référendum sur la légalisation de l’avortement où la participation avait été massive, ce résultat montre lui aussi un rejet de l’obscurantisme que le clergé catholique faisait peser sur la population irlandaise.

Certes le délit de blasphème, inscrit dans la Constitution de 1937 et réaffirmé dans la loi à plusieurs reprises, n’avait jamais abouti à une condamnation. Et contrairement à l’interdiction de l’avortement qui opprimait physiquement les femmes, il apparaissait plutôt comme une scorie d’un passé moyenâgeux. Même l’Église catholique d’Irlande en a parlé comme d’un texte « obsolète », au moment du référendum. Et quand le réalisateur britannique Stephen Fry a déclaré en 2015 dans une interview télévisée : « Comment pourrais-je respecter un Dieu capricieux, mesquin et stupide qui crée un monde avec tant d’injustice et de misère ? », la justice n’a pas donné suite à la plainte d’un téléspectateur.

En Irlande comme dans nombre de pays, l’Église a fait peser une chape de plomb sur les consciences pendant des siècles, se faisant le bras droit du pouvoir et des puissances d’argent en prêchant au peuple la soumission à l’ordre établi pour lui faire accepter sa condition d’opprimé. Et, entre le délit de blasphème et celui d’opinion, il n’y a qu’un pas à faire pour museler les oppositions.

Mais depuis plusieurs décennies, suite à plusieurs scandales en Irlande, l’Église s’est déconsidérée et a perdu une partie de son influence. Il y a d’abord eu le scandale des filles-mères, enfermées dans des blanchisseries, auxquelles on enlevait leur enfant pour le vendre à de riches Américains, puis la découverte dans un couvent d’un charnier de 800 squelettes de bébés et d’enfants, morts de malnutrition ou de mauvais traitements, et enfin le scandale des prêtres pédophiles. Aujourd’hui, si 78 % des Irlandais se disent encore catholiques, la fréquentation des églises est tombée en quarante ans de 91 % à 30 %, et même à 14 % dans la capitale Dublin.

L’Irlande n’est pas le seul pays d’une Europe, se prétendant moderne et ouverte à toutes les opinions dont celle d’exprimer publiquement son athéisme, qui aurait besoin d’un bon dépoussiérage du fatras religieux. Ne serait-ce qu’en France, il a fallu attendre janvier 2017 pour que le délit de blasphème soit aboli dans les trois départements métropolitains d’Alsace-Moselle où il subsistait depuis un siècle.

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