Allemagne : l’usure des partis au pouvoir17/10/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/10/2620.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : l’usure des partis au pouvoir

Les 9,5 millions d’électeurs bavarois étaient appelés dimanche 14 octobre à renouveler leur Parlement régional. Les résultats sont venus confirmer l’usure des partis gouvernementaux.

Dominant traditionnellement la vie politique bavaroise, l’Union chrétienne-sociale (CSU) reste en tête avec 37,2 % des voix. Mais elle a perdu plus de 10 % d’électeurs depuis le précédent scrutin de 2013, et surtout la majorité absolue qu’elle détenait depuis 1962.

La CSU, subissant l’usure politique du gouvernement fédéral dont son président Horst Seehofer est ministre de l’Intérieur, n’a pourtant reculé devant aucune démagogie pour rattraper les électeurs tentés par l’AfD (Alternative pour l’Allemagne, extrême droite). Celui-ci a multiplié les pressions pour restreindre le droit d’asile, renforcer le contrôle des frontières. Face aux manifestations de l’extrême droite à Chemnitz, il est allé jusqu’à déclarer que s’il n’avait pas été ministre, il y aurait participé – ajoutant tout de même qu’il l’aurait fait « sans l’extrême droite ».

La démagogie de la CSU

Dans sa démagogie antimusulmans, le ministre-président de Bavière, Markus Söder, a fait imposer cette année des crucifix dans tous les bâtiments publics de Bavière, décision critiquée même par l’Église. Surtout, le Parlement bavarois a fait voter une loi renforçant considérablement les pouvoirs de la police, permettant de mettre sur écoutes n’importe quel habitant de la région, déclenchant de grandes manifestations de protestation.

Mais la course aux électeurs de l’AfD n’a abouti qu’à les conforter, tout en éloignant de la CSU ses électeurs modérés inquiets devant sa radicalisation. Prenant conscience des effets désastreux de leur tactique électorale, les dirigeants de la CSU ont tardivement tenté un tournant à 180 degrés, dénonçant tout à coup la montée de l’extrême droite et le danger fasciste. Cette dernière manœuvre n’a empêché en rien leur déroute électorale annoncée.

Le Parti social-démocrate, traditionnellement faible en Bavière, et participant à la coalition gouvernementale au niveau fédéral, subit quant à lui un effondrement. Passant sous la barre des 10 %, ayant perdu la moitié de ses électeurs depuis le précédent scrutin, il subit de plein fouet le désaveu pour sa participation au gouvernement.

Recomposition politique à droite

Les Verts apparaissent comme les grands gagnants du scrutin, obtenant 17,5 % des suffrages, et autour de 30 % dans les villes de plus de 100 000 habitants. Bien des électeurs traditionnels de la CSU, choqués par sa dérive extrémiste, se sont emparés du bulletin des écologistes souvent jeunes certes, mais surtout bon teint, apparaissant comme des gestionnaires responsables plus préoccupés par la pollution des centres-villes et la bonne marche des affaires que par la montée de la pauvreté. Même sur la politique d’asile, ils ont adopté un discours se voulant responsable, parlant de la maîtriser mieux.

Bien des électeurs se sont aussi tournés vers le parti régionaliste, le Parti bavarois des électeurs libres (11,6 % des voix) et vers l’AfD, qui confirme sa percée électorale, avec 10,2 %.

Ces résultats viennent confirmer la diffusion des idées d’extrême droite dans une partie de l’électorat. On en a vu l’effet à la fin de l’été, lorsqu’en Saxe, notamment à Chemnitz, des rassemblements d’extrême droite ont été émaillés de violences. Une partie de l’électorat vote AfD lors des élections pour dire sa colère, son sentiment d’abandon et son inquiétude pour l’avenir. Face à la précarité croissante du travail, à la faiblesse des pensions et au délitement de la société en crise, le discours des partis d’extrême droite, renforcé et banalisé par les grands partis jouant avec les idées xénophobes et la peur des migrants, présente le contrôle accru des frontières comme la solution aux problèmes des petites gens.

L’AfD, en ajoutant à ce positionnement un discours hostile à l’establishment politique, ciblant en particulier Angela Merkel, a su toucher et cristalliser le mécontentement et le désespoir de nombreux électeurs y compris des classes populaires, dont la situation s’aggrave même dans la très prospère Bavière.

En attendant la fin de la coalition gouvernementale

Ces résultats viennent confirmer, avec l’affaiblissement de la CSU, alliée de Merkel, et l’effondrement du SPD, l’usure des partis au pouvoir et leur fragile équilibre au gouvernement. Les tiraillements au sein de celui-ci n’en seront qu’un peu plus attisés. Le ministre-président de Bavière commentant les résultats électoraux, a mis en avant la responsabilité de Berlin… pas celle de la CSU bien sûr !

Du côté du SPD, son score catastrophique a déjà relancé les débats internes contre sa participation gouvernementale, à laquelle la direction reste favorable mais qui fait craindre une débâcle en cas de nouvelles législatives.

Pour la CDU enfin, le parti de Merkel, les prochaines échéances seront sans doute déterminantes. Le scrutin régional en Hesse fin octobre pourrait à nouveau témoigner du discrédit croissant de la classe politique, incapable de répondre à la dégradation subie par les classes populaires.

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