Pénuries de médicaments : le profit avant la santé10/10/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/10/2619.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pénuries de médicaments : le profit avant la santé

Un groupe de sénateurs vient de remettre un rapport sur un phénomène bien connu de certains malades et des médecins : les pénuries de médicaments.

L’an dernier, 530 médicaments indispensables se sont retrouvés en rupture de stock, 30 % de plus qu’en 2016 et dix fois plus qu’en 2008. Ces pénuries ont concerné quasiment toutes les catégories de médicaments. Ainsi, depuis l’été dernier, des patients atteints de Parkinson ne peuvent plus utiliser l’un des traitements les plus courants, cela au moins jusqu’en mars 2019 ; des malades traités par chimiothérapie voient leur protocole modifié faute de pouvoir disposer d’un anticancéreux, le 5 Fluoro-Uracile, pourtant très ancien. Même le plus courant des antibiotiques, l’amoxicilline, vient à manquer, sans parler de nombreux vaccins, dont celui contre l’hépatite A.

Ces pénuries ne sont pas nouvelles. Il y a bien longtemps que les habitants des pays plus pauvres y sont confrontés. Ne serait-ce qu’en Algérie, les diabétiques ont du mal à trouver de l’insuline, et dans une bonne partie du monde les médicaments sont des produits rares, objets de tous les trafics et contrefaçons possibles. La France est maintenant également touchée, même si elle se vante d’avoir un des meilleurs systèmes de santé au monde.

En fait, ces ruptures de stock sont une conséquence directe des dégâts causés par les industriels de la pharmacie qui, comme les autres capitalistes, cherchent avant tout un profit maximum.

Afin de faire baisser les coûts de production, les grands groupes ont délocalisé là où la main-d’œuvre était la moins chère. La carte de production a été redessinée au niveau mondial, avec un recours à la sous-traitance, en particulier en Inde et en Chine. La production de médicaments est mondialisée et, tout comme dans l’industrie automobile ou aéronautique, les composants – les principes actifs ou les excipients – viennent du monde entier. Parfois, une seule usine au monde fabrique un produit indispensable et approvisionne la quasi-totalité des firmes pharmaceutiques. Il suffit alors que cette usine ait un problème, qu’elle n’ait pas répondu à des normes de qualité, que son patron mette la clé sous la porte ou tout simplement arrête de fabriquer un produit jugé non rentable, et c’est toute la chaîne d’approvisionnement qui est bloquée.

Lorsqu’on parle d’un marché du médicament, c’est évidemment dans un sens capitaliste, c’est-à-dire d’un marché solvable. Peu importent les besoins réels, peu importent les malades. Dans tout marché, le client qui commande beaucoup et paye plus cher est servi en premier. Il est donc logique que les États-Unis soient les premiers servis, car les médicaments y sont vendus en moyenne deux à trois fois plus cher qu’en Europe.

Évidemment, pour les sénateurs qui se disent « inquiets devant la remise en cause de l’indépendance sanitaire de notre pays », il n’est pas question d’égratigner les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. Ils suggèrent d’instituer, si nécessaire, « un programme public de production et de distribution de médicaments essentiels » et de « mieux évaluer les comportements dits spéculatifs ». Mais surtout ils voudraient pousser à la relocalisation d’une partie de la production en France, au moyen d’incitations financières.

De nouvelles aides pour des entreprises riches à milliards : voilà finalement l’essentiel de leurs propositions. Quant aux pénuries de médicaments, elles ne sont pas près de disparaître, dans cette économie guidée par le profit et de plus en plus incapable de résoudre des problèmes aussi essentiels que celui de l’accès aux soins pour l’ensemble des habitants de la planète.

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