Turquie : grève au chantier du nouvel aéroport19/09/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/09/2616.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : grève au chantier du nouvel aéroport

Le troisième aéroport d’Istanbul devrait être inauguré le 29 octobre. Mais le 14 septembre, sur les chantiers de construction, plus de 30 000 travailleurs ont fait grève contre les conditions esclavagistes que leur imposent les différents patrons.

Depuis plus de quatre ans que durent les travaux, le mécontentement s’est accumulé parmi les 45 000 travailleurs, employés par plus de 500 entreprises, sans compter les emplois non déclarés. En peu de temps, plus des deux tiers d’entre eux ont cessé le travail.

Certains témoignent des nombreux accidents du travail, en grande partie non déclarés, dont plusieurs centaines ont été mortels, alors que, selon la direction d’IGA (Istanbul Grand Airport, le consortium qui dirige les travaux), ils seraient tout au plus 35.

Au quotidien, certains travailleurs doivent travailler de 6 heures du matin à 22 heures, et sont souvent obligés de travailler les jours fériés. Il n’est pas rare que les heures supplémentaires ne soient pas payées et qu’une partie de la paye ne soit pas déclarée. Certains travailleurs n’ont pas touché de salaire depuis six mois. Ils sont logés à vingt dans des baraquements insalubres prévus pour six, où les cafards pullulent.

Une liste de revendications a été établie par les grévistes, avec l’aide de militants syndicaux. Elles comprennent le refus de tout licenciement suite à la grève, avec demande de réintégration des grévistes déjà licenciés ; des mesures de sécurité pour éviter les accidents de travail ; des transports collectifs permettant de se rendre aux chantiers ; des logements salubres ; le respect des ouvriers et la mise à disposition de matériel médical ; le versement des salaires à la date prévue, déclarés en intégralité ; le paiement des arriérés des salaires ; des salles de repas communes aux ouvriers et aux chefs ; le congédiement des directeurs rejetés par les travailleurs.

La direction a déclaré la grève illégale et a menacé les travailleurs de poursuites judiciaires et même de prison. Ne parvenant pas à faire reprendre le travail, elle a fait appel au gouvernement qui, à 3 heures du matin le 15 septembre, a envoyé la gendarmerie avec ses véhicules blindés.

Les forces de police ont tiré avec des balles de caoutchouc et, pour en finir, elles auraient arrêté 530 travailleurs, parmi lesquels des militants syndicaux. Depuis, 160 d’entre eux auraient été libérés.

Malgré tout, le mouvement continuait le 17 septembre. Selon des avocats qui essaient de prendre la défense des travailleurs arrêtés, le nombre exact d’arrestations reste flou tant le gouvernement Erdogan fait obstacle à leur intervention.

Des manifestations de soutien au mouvement ont eu lieu, notamment les 15 et 16 septembre à Istanbul et à Ankara, dispersées sans ménagement par la police qui a procédé à des arrestations.

À Istanbul, 31 manifestants ont été arrêtés. Le gouvernement d’Erdogan et le patronat sont embarrassés par ce mouvement, qui risque de causer du retard à l’inauguration du « plus grand aéroport du monde », dont ils se vantent. Mais l’un et l’autre craignent surtout, dans le contexte d’inflation accélérée, de dégradation du pouvoir d’achat et d’aggravation de conditions de travail, que ce mouvement ne fasse des émules dans le monde du travail.

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