Évasion fiscale : la chasse aux fraudeurs n’est pas pour demain19/09/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/09/2616.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Évasion fiscale : la chasse aux fraudeurs n’est pas pour demain

La fraude fiscale est « insupportable et moralement scandaleuse », a déclaré Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, en présentant lundi 17 septembre à l’Assemblée nationale un projet de loi luttant contre cette pratique et devant rendre cette lutte plus efficace ; ce qui reste encore à démontrer.

La première mesure consistera en la création d’un observatoire. Il fera quoi, à part observer que la fraude fiscale s’amplifie, en même temps que les fortunes des capitalistes et des privilégiés grossissent sans arrêt ? Selon un rapport qui vient d’être publié par le syndicat Solidaires-finances publiques, elle atteindrait, en France, entre 80 et 100 milliards d’euros par an.

Vient ensuite la création d’une police fiscale ciblant les plus gros fraudeurs et capable de pratiquer une expertise pointue. Combien de salariés seront dévolus à cette tâche ? Ce n’est pas encore précisé. Mais ce que l’on sait, c’est que depuis 2010, toujours selon les données récoltées par le syndicat, les services de contrôle fiscal ont perdu 3 100 emplois en équivalents temps plein. En conséquence, les entreprises, qui statistiquement pouvaient faire l’objet d’un contrôle fiscal sur les sociétés tous les trente et un ans en 2008, gagnent dix-neuf ans de répit, avec un contrôle tous les cinquante ans aujourd’hui.

Vient ensuite la proposition du « plaider coupable », qui garantit au fraudeur une réduction de l’amende ou de la peine encourues, une générosité que ne connaissent pas les salariés ni les chômeurs qui craignent le passage d’un huissier. Puis il y a la menace de sanctions pour les intermédiaires complices de fraude fiscale, comme si ce n’était pas le travail de ces cabinets d’avocats spécialisés dans l’optimisation fiscale, mot noble destiné à masquer ce genre de délits ! Une autre menace est la publication du nom des coupables… que tout le monde connaît, pour ne citer qu’une entreprise comme Total, qui ne faisait paraît-il de bénéfices que dans des pays considérés comme des paradis fiscaux !

Quant à la liste noire française des paradis fiscaux, justement, elle se limite à sept pays : le Brunei, le Panama, le Guatemala, le Botswana, les îles Marshall, ainsi que les minuscules îles du Pacifique que sont Nauru (10 000 habitants et 21 km², soit une surface quatre fois moindre que celle de l’île de Ré) et Niue (1 600 habitants), deux inconnues du grand public. Et, même si le gouvernement français parle d’étendre cette liste, quand y verra-t-on des pays comme la Suisse, le Luxembourg, l’Irlande, Jersey, etc., situés, eux, à ses frontières et où l’optimisation fiscale bat son plein ?

Avec ce genre de mesures, on peut se dire que les vrais fraudeurs ont encore de beaux jours devant eux. D’autant que le gouvernement est bien plus acharné à traquer les salariés malades ou les chômeurs qui ont pointé à Pôle emploi avec un jour de retard qu’à poursuivre les évadés fiscaux.

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