Septembre 2008 : de la crise des “subprimes” à la crise tout court12/09/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/09/2615.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Il y a 10 ans

Septembre 2008 : de la crise des “subprimes” à la crise tout court

Le 15 septembre 2008, la banque d’affaires Lehman Brothers faisait faillite à New York, provoquant la paralysie du système financier et la panique des dirigeants de la planète. La crise, démarrée un an plus tôt dans l’immobilier américain, provoquait une aggravation notable de la crise générale, dont l’économie mondiale n’est toujours pas sortie et qui a encore de multiples répercussions politiques.

« La situation équivaut à un état de guerre », déclarait le 15 septembre le secrétaire d’État au Trésor, Henry Paulson, au président des États-Unis, Georges W. Bush, en lui réclamant « des pouvoirs d’exception ». Pour des millions de travailleurs dans le monde, les conséquences de cette crise allaient bien être celles d’une guerre. Aux États-Unis, des millions de familles allaient être jetées à la rue. Partout dans le monde, des dizaines de millions d’emplois allaient bien être détruits et des entreprises fermées. Des pays entiers comme l’Islande ou la Grèce allaient être ruinés. Les plans d’austérité mis en œuvre dans tous les pays, les coupes budgétaires dans les services publics utiles à la population allaient se multiplier.

La crise de l’immobilier

La crise avait été déclenchée par l’éclatement de la bulle spéculative de l’immobilier américain. Profitant des faibles taux de crédit décidés par la Réserve fédérale (la banque centrale des États-Unis), des sociétés immobilières avaient vendu massivement des logements à crédit. Utilisant des crédits dits « subprime », à taux variables et garantis par l’hypothèque du logement, des officines avaient endetté des familles de moins en moins solvables. Tant que les prix de l’immobilier montaient, les ménages pouvaient en théorie revendre leur logement pour se dégager de leur crédit quand elles ne pouvaient plus le payer. Mais, trop de maisons ayant été construites pour le pouvoir d’achat des ménages, les prix avaient commencé à baisser début 2007, déclenchant la crise.

Incapables de payer leurs traites, des millions de familles étaient expropriées, privées de logement tout en restant endettées car leur maison ne valait plus rien. Ce qui n’aurait pu être qu’une crise dans l’immobilier, dramatique mais sectorielle, se transforma en une crise bancaire générale à cause de la financiarisation de l’économie.

Le parasitisme de la finance

Depuis le milieu des années 1970, après les années de croissance impulsées par la reconstruction d’après-guerre, l’économie mondiale était entrée dans une nouvelle phase critique. Les capitalistes réduisaient leurs investissements dans la production car ils ne rapportaient pas, selon eux, des profits suffisants. De plus en plus, les capitaux se dirigeaient vers le secteur financier, qui à son tour se trouvait en mal de débouchés. Selon les périodes, il cherchait à prêter de l’argent aux pays pauvres, à acheter puis à revendre des monnaies ou des biens immobiliers, des actions de start-up ou d’entreprises de l’économie numérique, etc.

Périodiquement, ces opérations boursières provoquaient des krachs. À chaque fois, pour les travailleurs licenciés, pour la population des pays dont la monnaie s’effondrait, en Argentine en 1982, en Russie en 1998, ils amenaient un recul brutal du niveau de vie. Les spéculateurs, eux, s’en sortaient indemnes. À chaque crise, les États et les banques centrales intervenaient pour empêcher les faillites des plus gros, injectant des capitaux frais dans le système, baissant les taux d’intérêts tout en ouvrant de nouveaux champs à la spéculation. À la veille de la crise de 2008, les opérations financières en étaient venues à représenter 98 % des transactions mondiales tandis que le commerce et l’industrie n’en représentaient plus que 2 %.

La crise se généralise à toutes les banques

Au fil du temps, les spéculateurs ont mis en œuvre une « ingénierie financière » de plus en plus sophistiquée. Ils ont inventé la « titrisation » qui consiste à mélanger des créances d’origines diverses pour fabriquer un nouveau titre émis sur le marché. Les banques de toute la planète détenaient ainsi des titres aux origines inconnues et à la valeur douteuse. Ainsi, l’écoulement des titres liés à l’immobilier américain eut dès l’été 2007 des conséquences sur les bilans des banques.

Toutes les institutions financières possédant des produits financiers contenant des subprimes perdirent des milliards de dollars. En publiant leur bilan, les banques révélaient leurs pertes. À l’automne 2007, la banque britannique Northern Rock était assaillie par les particuliers venant retirer leurs dépôts. Sa faillite était un avertissement.

En septembre 2008, une nouvelle vague de faillites survenait aux États-Unis, dont celle de la banque Lehman Brothers. Détenant toutes des titres douteux, se méfiant les unes des autres, les banques refusaient d’effectuer entre elles les multiples transactions quotidiennes indispensables, et tout le système bancaire se trouvait ainsi paralysé. Des banques, la crise s’étendit à la Bourse et aux grandes entreprises. Les gros actionnaires, les fonds d’investissements, cherchant à se sauver sans se soucier des conséquences, retiraient brutalement leurs capitaux, accélérant la chute des actions des entreprises. Fin septembre 2008, Le Monde titrait : « 25 000 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont évanouis ». Ce capital détruit allait entraîner des fermetures d’usines, des plans de suppressions d’emplois puis de « compétitivité » pour faire remonter les cours à la Bourse.

Les États au secours des banques et des capitalistes

Henry Paulson, ancien dirigeant de la banque Goldman Sachs, avait refusé d’intervenir pour empêcher la faillite de Lehman Brothers. Face à l’asphyxie de tout le système bancaire provoqué par cette faillite, il décida en toute urgence d’injecter des centaines de milliards de dollars d’argent public dans les autres banques.

De Paulson à Merkel, en passant par Sarkozy, les dirigeants de la planète les plus « libéraux », ceux qui prétendent d’habitude que l’État ne doit pas intervenir dans l’économie, allaient ouvrir des crédits illimités aux banquiers. Les banques centrales rachetèrent leurs titres pourris. Dans les mois suivants, sous prétexte de plans de relance de l’économie, tous les gouvernements, Obama aux États-Unis, Sarkozy en France, multipliaient aides et subventions à leurs capitalistes. Cette politique fit exploser la dette des États. Au nom du remboursement de cette dette, les gouvernements multiplient aujourd’hui encore les plans d’austérité et les attaques contre la population. Cette dette, réalisée pour sauver les banques, leur rapporte encore grâce aux prêts qu’elles accordent pour la refinancer.

Dix ans ont passé et aujourd’hui la Bourse de New York a dépassé son niveau de 2008. Elle connaît la plus longue hausse de son histoire. La masse des capitaux en circulation dans le monde a encore augmenté, le plus souvent sans contribuer à produire ce qui serait utile à la société. Ils servent à réaliser des fusions-acquisitions géantes ou des rachats d’actions. À l’affût de tous les champs spéculatifs, ils menacent la société d’un nouveau krach... pire que le précédent.

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