Dans le monde

Russie : recul du pouvoir sur les retraites

Poutine a convoqué la télévision le 29 août, pour s’adresser au pays sur la réforme des retraites, qui recule fortement l’âge de la cessation d’activité, inchangé depuis les lendemains de la révolution d’Octobre 1917. Une réforme qui, pour la première fois en 18 ans de règne de Poutine, a vu une fronde sociale se dresser contre une décision du pouvoir russe.

Fin juin, en plein Mondial de football, le Premier ministre Medvedev avait annoncé que l’âge de départ en retraite passerait de 55 à 63 ans pour les femmes et de 60 à 65 ans pour les hommes. Le Kremlin espérait que la population resterait les yeux braqués sur les stades. Peine perdue : des rassemblements de protestation ont eu lieu dans beaucoup de villes, malgré l’interdiction de manifester sous prétexte de compétitions.

Deux mois plus tard, la « réforme » ne passe toujours pas, pas plus que la hausse de 18 à 20 % de la TVA promulguée en même temps. Du coup la cote de popularité de Poutine a chuté de 80 %, juste après sa réélection en mars, à 67 % en juillet. Cela, même s’il a envoyé Medvedev au charbon en le laissant annoncer ces « réformes » qu’il savait impopulaires.

Alors, Poutine a cherché à se poser en arbitre proche des petites gens. Il a exposé sur un ton paternaliste les raisons démographiques (la population ne cesse de se réduire), sociales (le ratio un retraité pour deux actifs) et économiques (le manque de main-d’œuvre, car la jeune génération est trop peu nombreuse pour remplacer les partants) qui obligeraient à revoir le système de retraites. En même temps, il a proposé de ramener de 63 à 60 ans le nouvel âge de départ en retraite des femmes, disant qu’il serait « incorrect » d’agir autrement. Cette « correction », il a donc fallu l’apprendre à Poutine par des semaines de manifestations !

Finalement il a dû lâcher un peu de lest et c’est une première. C’est surtout un encouragement pour celles et ceux qui refusent une « réforme » qui ferait que les hommes partiraient en retraite à 65 ans pour mourir aussitôt, ce que dénoncent des pancartes de manifestants, l’espérance de vie masculine étant de 66 ans en Russie. Quant aux femmes, leur présence très visible, sinon majoritaire dans les actions de protestation, a assez dit ce qu’elles pensent des huit années de plus au travail que le pouvoir voulait leur imposer. En particulier parce que, après une vie de labeur, c’est sur les babouchkas (les grand-mères) que repose la charge de garder les petits-enfants, ce qui est indispensable pour que le père et la mère puissent travailler, donc rapporter deux paies à la maison, les familles populaires ne pouvant s’en tirer avec un seul salaire.

Poutine a aussi évoqué des exceptions à sa réforme pour les mères de familles nombreuses, les mineurs, les cheminots, les salariés de la chimie et de la métallurgie, les sauveteurs de Tchernobyl et, bien sûr, les militaires et les policiers sur lesquels il veut pouvoir compter. Il espère que cela réduira la masse des mécontents.

Mais dans certaines entreprises, son intervention télévisée semble avoir recueilli surtout des critiques. Quatre jours plus tard, elles retentissaient dans la rue. Le 2 septembre, les autorités ont annoncé 7 500 manifestants à Moscou, et il y en a eu, entre autres, 2 500 à Saint-Pétersbourg, un millier à Samara…

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