Dans le monde

Allemagne : face à l’extrême droite

Dans la nuit du samedi 25 août, plusieurs hommes ont été blessés à Chemnitz lors d’une rixe, dont l’un, poignardé, a succombé à ses blessures. Dans cette ville de Saxe, en ex-Allemagne de l’Est, l’extrême droite est implantée depuis longtemps et elle s’est jetée sur le drame.

Pour être tragique, l’affaire restait de l’ordre du fait divers. Mais, apprenant que deux jeunes réfugiés (un Irakien et un Syrien) étaient soupçonnés, l’extrême droite a sauté sur l’occasion, faisant courir sur les réseaux sociaux rumeurs et mensonges sur les circonstances du drame et appelant à manifester. Ces rassemblements ont été l’occasion d’un déferlement de haine raciste et des scènes de chasse à l’homme se sont déroulées. Depuis, plusieurs agressions racistes ont eu lieu et quelques journalistes et militants de gauche ont aussi été pris pour cible.

L’homme de 35 ans poignardé lors de la rixe était germano-cubain et foncé de peau. Les amis avec lesquels il se trouvait ce soir-là étaient germano-russes : comme l’ont exprimé ses proches, c’est seulement mort que les néo-nazis peuvent l’utiliser ; vivant, il aurait pu être leur victime !

L’extrême droite est présente de longue date dans quelques régions d’Allemagne, et notamment en Saxe, avec y compris une frange violente. Mais elle était très minoritaire, voire marginalisée, et jusque-là la situation ne lui permettait pas de s’exprimer si ouvertement. Cette fois, forts des succès électoraux récents du parti AfD (Alternative pour l’Allemagne), et encouragés par la poussée générale des idées réactionnaires, divers groupes d’extrême droite, hooligans, Pegida, néonazis et autres cogneurs se sont sentis de passer à l’acte. C’est la première fois que ces mouvements, organisations et partis manifestent ensemble pour une démonstration de force.

Venus à Chemnitz de toute l’Allemagne, les manifestants ont réussi à être plusieurs milliers. Par leur violence verbale et physique, ils franchissent une étape symbolisée par les saluts hitlériens.

L’impuissance de la classe politique est frappante. Certains semblent effrayés, beaucoup se sont faits discrets, sur la défensive, évoquant sans cesse « l’État de droit » qui ne permet pas de tels excès... pendant que les passages à tabac continuent. Plusieurs ont aussi tenu à afficher une certaine solidarité, si ce n’est avec les néonazis du moins avec les racistes, en évoquant leur compréhension pour ceux qui « pleurent le mort », tout en ajoutant que, dans une démocratie, on ne peut pas « se faire justice soi-même ».

Les dirigeants politiques sont impuissants à faire reculer l’extrême droite car c’est ce qu’ils font au pouvoir qui nourrit frustrations et désillusions. Et quand les migrants sont mis en avant comme boucs émissaires, rendus responsables de tous les maux et misères, cela leur évite aussi de nommer les véritables responsables.

Les liens entre l’extrême droite, y compris violente, et une partie de la police de Saxe ont également été mis en évidence. Lors d’un rassemblement d’extrême droite à Dresde, une équipe de la télévision publique allemande a par exemple été empêchée de filmer par la police. Des policiers sont membres de l’AfD, voire néonazis, et deux d’entre eux viennent d’être suspendus pour avoir fait le salut nazi dans une manifestation. À Chemnitz, l’extrême droite a aussi rendu public le mandat d’arrêt contre le suspect, comportant les nom et adresse de ce réfugié, document vraisemblablement remis par un policier. L’armée abrite aussi des activistes d’extrême droite et ferme les yeux. Les gouvernements successifs n’ont évidemment jamais rien entrepris contre ce noyautage de l’appareil d’État.

Face aux démonstrations de l’extrême droite, plusieurs contre-manifestations, réunissant également plusieurs milliers de personnes, ont été organisées depuis une dizaine de jours. Lundi 3 septembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont assisté à Chemnitz à un grand concert rock contre le racisme et les violences faites aux étrangers.

Ces événements sont un choc pour beaucoup. Il faut qu’ils amènent à se poser toutes les questions, à comprendre les causes de ce retour d’une barbarie qu’ils pensaient révolue et surtout réfléchir à comment prendre le mal à la racine.

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