Italie : Une organisation des transports criminelle22/08/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/08/2612.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Une organisation des transports criminelle

Après la catastrophe du 14 août à Gênes, dont le bilan se chiffre maintenant à 43 morts, une vingtaine de familles de victimes ont refusé de se joindre aux funérailles nationales organisées pour elles, trouvant scandaleuse la participation d’autorités qu’elles considèrent à juste titre comme portant une responsabilité dans la catastrophe.

Les dirigeants de la société Autostrade per l’Italia, gestionnaire du pont Morandi, ont ajouté à la colère en déclarant tranquillement avoir fait toutes les opérations d’entretien et contrôles de sécurité nécessaires, ajoutant qu’à leur connaissance ce viaduc n’avait aucune faiblesse. Devant l’émotion suscitée par cette attitude, après un accident prévisible, le gouvernement italien s’est lui aussi dit indigné, d’autant plus facilement qu’il n’est aux affaires que depuis peu.

Le ministre de l’Intérieur membre de la Ligue d’extrême droite, Salvini, a annoncé que l’État dénoncera la concession accordée à la société Autostrade, tandis que son partenaire du Mouvement cinq étoiles (M5S) tente de faire oublier que ses représentants, jamais avares de démagogie, ont déclaré il y a quelques années que la dangerosité du pont Morandi était une fable.

En attendant, les 600 personnes des habitations populaires situées à proximité et devenues dangereuses ont été évacuées et risquent de devoir patienter longtemps avant d’être relogées décemment. Quant à l’annulation de la concession, elle impliquerait certainement de longues batailles juridiques, et le versement de milliards d’indemnités. Car évidemment, pour le gouvernement Ligue-M5S, il n’est pas question de mettre Autostrade sous séquestre, ni même de l’obliger à rendre les dizaines de milliards qu’elle a encaissés sous forme de péages, à Gênes ou ailleurs, tout en n’engageant que le minimum de dépenses.

Au-delà du problème du pont Morandi, la question posée est celle de la sécurité des transports de marchandises et de la gestion du réseau d’autoroutes italiennes. Leur construction dans les années 1950 et 1960 correspondait au choix de développer le transport routier de marchandises et de personnes. Ce choix a été fait au plus grand profit du secteur privé, de celui des travaux publics à celui des transporteurs et des constructeurs automobiles, à commencer par Fiat. Alors que l’État a fait l’essentiel des investissements, ce sont des capitaux privés qui, par le biais des péages, prélèvent aujourd’hui leur dîme sur tout ce qui circule, tout en économisant sur les travaux et mesures de sécurité nécessaires.

Le résultat de ces choix est de faire reposer ces transports, en Italie comme ailleurs et notamment en France, sur un trafic de plus en plus démentiel et dangereux de poids lourds parcourant un réseau toujours plus inadapté à une telle circulation. Une semaine avant l’accident du 14 août, l’explosion spectaculaire d’un camion transportant du carburant GPL sur l’autoroute près de Bologne l’avait déjà rappelé.

Estimant qu’à Gênes ils n’ont rien à se reprocher, les dirigeants d’Autostrade ajoutent cyniquement qu’ils s’en remettent à la justice pour établir les raisons de l’écroulement du pont. En effet, après ce terrible accident, le parquet a ouvert une enquête et il y aura un jour un procès, mais ce sera certainement dans longtemps et sans autre condamnation que celle de quelques lampistes.

Quant à condamner le système et à le repenser en fonction de la sécurité, des besoins réels de la population et d’une organisation rationnelle de la production, ce n’est de toute façon pas l’affaire des tribunaux, ni le souci des dirigeants du pays.

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