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Nicaragua : les Ortega se cramponnent au pouvoir

Le 18 juillet, les dirigeants du Nicaragua, le clan Ortega, ont repris manu militari le contrôle de la ville de Masaya, un des bastions de ceux qui protestent dans la rue depuis trois mois et subissent une répression féroce qui a déjà fait 280 morts et deux mille blessés.

C’est de Masaya, à trente kilomètres de la capitale Managua, qu’était parti le soulèvement sandiniste en 1979. Le 19 juillet 2018, le régime en fêtait donc le 39e anniversaire et il a fait de cette reprise de la ville un geste symbolique. Les manifestations de protestation comme de soutien au régime se poursuivent. L’opposition, réunie dans l’Alliance civique pour la justice et la démocratie, où l’on trouve la droite et le patronat, entend tirer profit de la colère de la jeunesse et de la majorité de la population face à la répression : elle réclame le départ du président Daniel Ortega. Celui-ci dénonce maintenant l’Église et ne veut plus entendre parler de la médiation que celle-ci avait proposée et qu’il avait d’abord acceptée.

La contestation du régime a éclaté le 18 avril, contre une réforme des retraites prévoyant d’augmenter les cotisations des salariés et de diminuer le montant des pensions. Ortega avait vite fait marche arrière, mais la protestation s’est amplifiée. Et le 30 mai, lors d’une marche de soutien à des parents de jeunes tués par la police, des paramilitaires pro-Ortega ont tiré sur la foule, tuant 18 personnes. Le patronat, jusqu’alors satisfait de la politique du régime en sa faveur, a alors rejoint l’opposition.

Il y a trente-neuf ans, Ortega était un des dirigeants du Front sandiniste de libération qui a fait tomber la dictature de la famille Somoza, au pouvoir depuis 1934. Ortega avait présidé le régime sandiniste jusqu’en 1990, année où celui-ci avait perdu les élections. Il a fallu dix-ans ans à Daniel Ortega pour revenir à la tête de l’État. Entre-temps, il a transformé le Front en un parti électoral et s’est rapproché du patronat et de l’Église. La politique économique et sociale des sandinistes a été jetée par-dessus bord et les ex-guérilleros qui y sont restés fidèles ont créé un autre mouvement.

Depuis 2007, Daniel Ortega règne avec son épouse, Rosario Murillo, comme vice-présidente. Leurs dix enfants se partagent des postes dirigeants, notamment dans les médias, où la vice-présidente s’exprime quotidiennement. Ces jours-ci, elle dénonce un complot satanique. Elle s’occupe des bonnes œuvres, distribuant des bons alimentaires dans un des pays les plus pauvres d’Amérique latine.

Jusqu’en avril dernier, menant une politique d’avantages fiscaux pour le patronat, les Ortega étaient dans les bonnes grâces des États-Unis, attirant les investisseurs étrangers. Il était question de doubler le canal de Panama par un canal parallèle, avec l’appui d’investisseurs chinois, un projet tombé à l’eau. Mais, face à l’instabilité qui gagne, on a vu les institutions internationales, ONU, Organisation des États américains et Union européenne, prendre position contre le régime.

Du coup, Ortega retrouve un langage qu’il avait abandonné depuis longtemps et dénonce la « conspiration des forces impérialistes ». Avec le soutien de la police, de l’appareil d’État, appuyé par des groupes paramilitaires et des dirigeants syndicaux, et bénéficiant de la neutralité affichée de l’armée, il estime que c’est suffisant pour conserver la présidence, coûte que coûte.

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