Dans le monde

L’Union européenne les laisse mourir

Le sort de l’Aquarius met en lumière les difficultés rencontrées par les ONG pour poursuivre leur mission de sauvetage en Méditerranée.

À partir de 2013, suite à une série de naufrages qui avaient marqué l’opinion publique, une flotte humanitaire s’est constituée, avec des bateaux affrétés en grande partie grâce à des dons privés. En 2016, la petite flotte comprenait douze bâtiments, qui opéraient environ 40 % des sauvetages en mer, le reste étant assuré par la marine militaire italienne, les bateaux des gardes-frontières et la marine marchande.

En 2017, bien avant l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie, l’attitude de l’Europe s’est durcie. Orchestrée par le gouvernement italien et relayée par les différents gouvernements européens, une campagne a commencé pour présenter les ONG comme des complices des passeurs. Dans le même temps, des accords ont été passés avec les autorités libyennes pour qu’elles empêchent les migrants de prendre la mer. De l’argent et du matériel leur ont été accordés par l’Union européenne, environ 200 millions d’euros, pour équiper leurs gardes-côtes.

Dès l’été 2017, ceux-ci se sont illustrés en menaçant les ONG, les empêchant de s’approcher des côtes libyennes. Il est de notoriété publique que les gardes-côtes libyens sont souvent de mèche avec les passeurs et qu’ils battent et rançonnent les migrants. Et cela, l’Union européenne comme le gouvernement français ne peuvent l’ignorer.

Après que le bateau de l’organisation espagnole Proactive, l’Open Arms, a été victime d’un tir de sommation, la plupart des ONG ont renoncé à patrouiller en Méditerranée. Sur les douze bateaux initiaux, il n’en reste aujourd’hui plus que trois. Mais, pour les autorités libyennes ainsi que pour l’Union européenne, c’est encore trop. Deux bateaux, dont l’Open Arms, ont été depuis placés quelque temps sous séquestre par les autorités italiennes, sous prétexte de collusion avec les passeurs. Le nouveau ministre de l’Intérieur italien, Salvini, qui dénonce tous les jours le « business de l’immigration » qui serait organisé par les ONG, n’a ainsi fait que s’insérer dans une continuité.

Les organisations humanitaires ont le tort de mettre en évidence les conséquences de la politique de fermeture des frontières : pour les dirigeants européens, les migrants peuvent se noyer, mais ils doivent le faire en silence.

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