Maroc : boycott contre la vie chère13/06/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/06/2602.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Maroc : boycott contre la vie chère

Depuis un mois et demi, de nombreux Marocains boycottent les produits de consommation courante de trois entreprises qui, en situation de quasi-monopole et liées à la monarchie, imposent des prix toujours plus élevés aux consommateurs.

Le boycott touche d’abord la compagnie de distribution de carburant Afriquia, dont le propriétaire est Aziz Akhannouch, un milliardaire proche du roi, dirigeant d’un parti politique et ministre de l’Agriculture et de la Pêche. Elle concerne aussi l’eau minérale Sidi Ali, appartenant à l’ex-dirigeante du syndicat des patrons, et le lait de Centrale Danone, filiale du trust international du même nom rachetée il y a quelques années au holding royal SNI.

Suivi dans différentes couches de la population, allant des milieux populaires aux classes moyennes, ce boycott témoigne du mécontentement croissant face à la vie de plus en plus chère. Les tarifs des carburants en particulier ont explosé depuis la libéralisation des prix de ce secteur en 2015, avec une augmentation des marges qui atteindrait 300 %. Ils ont même dépassé en janvier la barre symbolique des 10 dirhams (0,90 euro) pour un litre alors que le salaire minimum est de 240 euros par mois.

Pour le moment, seule l’entreprise Centrale Danone reconnaît l’impact du boycott sur son chiffre d’affaires, qui aurait diminué de moitié depuis janvier, avec une perte estimée à 13,5 millions d’euros. Mais plutôt que de diminuer ses prix, plus élevés qu’en France en proportion des salaires marocains, elle s’en prend aux 6 000 ouvriers de ses usines et aux 120 000 agriculteurs qui lui vendent leur lait. Elle a mis à la porte 900 intérimaires et a décidé de réduire de 30 % les quantités de lait collectées.

De son côté, le gouvernement n’intervient pas contre la hausse des prix et se positionne évidemment du côté des entreprises visées par le boycott. Mais cette position n’est pas toujours facile à tenir… Un ministre a dû démissionner après avoir pris part à la manifestation de salariés orchestrée par la direction de Centrale Danone contre le boycott : il lui a été reproché de soutenir une entreprise étrangère, un geste considéré par ses pairs comme assez peu patriotique !

Ce boycott est bien suivi aussi parce qu’il permet d’exprimer un mécontentement largement partagé sans risquer d’être arrêté et jeté en prison car, aujourd’hui au Maroc, il ne fait pas bon manifester pour revendiquer des choses aussi élémentaires que du travail, des hôpitaux et des écoles, des prix des produits de première nécessité permettant de vivre. Les habitants d’Al-Hoceima dans le Rif et les mineurs révoltés de Jerada ont payé leurs manifestations par des centaines d’arrestations. Les procès des manifestants d’Al-Hoceima sont toujours en cours, plus d’un an après leur arrestation. Mais cette répression ne réussira pas éternellement à étouffer les protestations contre la rapacité des capitalistes.

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