Dans les entreprises

GM&S – La Souterraine : comment les constructeurs ont manigancé la reprise de l’usine

Les travailleurs de l’ex-GM&S, une entreprise d’emboutissage sous-traitante pour Renault et Peugeot à La Souterraine dans la Creuse, continuent leur lutte contre leur licenciement et la fermeture de l’usine.

Le 24 mai, ils seront devant le tribunal administratif de Limoges pour demander l’annulation du plan dit de sauvegarde de l’emploi, suite à la reprise de l’usine par le groupe GMD. Celui-ci s’est empressé de créer une nouvelle fois une filiale nommée La Souterraine Industrie (LSI), et cela ne présage rien de bon. À chaque fois les mêmes procédés sont employés, pour qu’au final ces sociétés soient insolvables au moment de payer les plans sociaux. La dernière reprise par GMD, en septembre 2017, s’est soldée par 157 licenciements pour seulement 120 travailleurs maintenus. Les promesses de PSA et Renault de fournir du travail à hauteur d’un chiffre d’affaires de 22 millions, déjà considérablement à la baisse, n’ont pas été tenues.

Au total, cette usine de La Souterraine aura changé neuf fois de nom et propriétaire depuis 1980, tout en travaillant toujours en sous-traitance pour les mêmes constructeurs automobiles. C’est pourquoi, dans leur lutte, les travailleurs de La Souterraine sont venus de nombreuses fois devant les portes des usines de Renault et PSA. Et à chaque fois ces deux constructeurs prétendaient qu’ils n’avoir rien à voir dans les malheurs de cette entreprise et refusaient toute responsabilité.

Une enquête de L’Humanité Dimanche du 11 au 16 mai vient lever un coin du voile sur les conditions de la reprise en 2014, avec la création d’une société sur mesure appelée GM&S Industrie. Des accords secrets montrent comment PSA et Renault ont fait de l’homme d’affaires italien Gianpiero Colla le repreneur providentiel, au nom des liens de confiance déjà tissés entre eux, et particulièrement avec PSA.

Les deux constructeurs ont effectivement déjà vu Colla à l’œuvre : il a repris et quasiment coulé deux de leurs sous-traitants, les fonderies de Saint-Jean-de-Maurienne et de Fumel, rebaptisées MétalTemple Aquitaine et MétalTemple, en redressement judiciaire dès 2013, liquidées peu après. Ni les constructeurs, ni le tribunal de commerce, ni l’État, pourtant pourvoyeur de fonds et d’aides publiques, n’ont été voir d’un peu plus près les affaires de Colla : c’est un enchevêtrement de holdings et de sociétés écrans, souvent basées en Grande-Bretagne, là où les patrons bénéficient de règles juridiques, financières et fiscales très souples. Dans le montage spécialement créé en 2014, l’usine de La Souterraine n’est qu’une filiale d’une société holding GM&S Industrie Ltd, basée à Londres, dont les actionnaires sont d’autres sociétés financières qui n’ont d’autre salarié que le responsable légal, et de tout cela bien sûr il ne sort aucune production.

Avec ces accords secrets, les conditions de la reprise puis la gestion ultérieure de l’usine ont été décidées sous l’étroit contrôle des constructeurs. Colla et Renault ont y compris prévu une définition détaillée des postes. Colla et PSA ont aussi prévu la perfusion apportée par le deuxième : 2,2 millions d’euros non remboursables d’aide au redémarrage, puis 2 autres millions pour combler le trou de trésorerie de 2015. En contrepartie, PSA s’octroie un droit de contrôle permanent sur les comptes et la gestion de l’entreprise, ce qui a tout d’une cogestion.

Avec ce type d’accords, quand le couperet tombe, ces sociétés financières disparaissent. L’usine qui produit réellement n’étant qu’une filiale, elle n’est plus solvable et les donneurs d’ordres refusent de payer. Le tour est joué. Ainsi, à GM&S, ce sont les AGS, le régime de garantie des salaires financé par les patrons, qui ont payé les maigres indemnités de licenciements.

Loin d’être l’œuvre de la seule marionnette Colla, le fiasco de GM&S, liquidé en juin 2017, a tout d’un meurtre prémédité par les deux donneurs d’ordres, Renault et PSA. PSA a beau clamer son innocence dans l’affaire, il a quand même par trois fois offert à cet homme d’affaires le prix Best plant. Ce prix du meilleur fournisseur est plutôt un prix pour services rendus !

Partager