Médecine du travail : condamnée pour avoir dit la vérité16/05/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/05/2598.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Médecine du travail : condamnée pour avoir dit la vérité

Le 4 mai, l’Ordre des médecins a condamné Karine Djemil, médecin du travail, à six mois d’interdiction d’exercer la médecine, dont trois mois avec sursis.

Il lui est reproché d’avoir fait, dans des études de poste, le lien entre le harcèlement moral et sexuel, subi dans leur entreprise par deux de ses patientes, et leurs dépressions et tentatives de suicide. Chacune, déclarée inapte à son poste, a ensuite été licenciée, a attaqué son employeur aux Prud’hommes, et a fait valoir à cette occasion le constat de la médecin. Les deux employeurs concernés en ont contesté la légitimité, ont demandé à l’Ordre des médecins d’intervenir et c’est finalement la médecin qui est aujourd’hui condamnée.

D’après l’association Santé et médecine du travail, au moins 400 médecins par an seraient visés par des plaintes analogues, dont 20 à 35 % passeraient en chambre disciplinaire, n’ayant pas accepté de modifier ce qu’ils avaient écrit dans un premier temps. Pour les patrons, les médecins doivent se contenter de réparer ce qu’ils peuvent, pas de pointer les causes du mal. C’est la logique de l’exploitation, absurde et révoltante du point de vue de la médecine et de la santé des travailleurs.

La même logique prévaut dans la remise en cause de tout ce qui peut gêner un tant soit peu le patronat dans la médecine du travail. Ainsi, la loi El Khomri prévoit que la visite d’embauche soit remplacée par une simple visite d’information et de prévention, sans garantir la présence d’un médecin. La fréquence des visites périodiques y est portée à cinq ans, au lieu de deux jusqu’alors, sur fond d’une diminution drastique du nombre de médecins du travail. Selon la ministre Muriel Pénicaud elle-même, ils seraient 30 % de moins qu’il y a dix ans et 75 % auraient plus de 55 ans.

Les déclarations et campagnes hypocrites des gouvernements et des grandes entreprises, qui prétendent dénoncer le harcèlement et les inégalités sexuels, se suivent et se ressemblent. Mais cette affaire montre que c’est à tout un système social, à l’aggravation de l’exploitation et aux institutions qui la défendent, que se heurtent ceux qui veulent vraiment les combattre.

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