Dans le monde

Italie : des anti-système prêts à obéir au capital

Deux mois et demi après les élections du 4 mars, le parti d’extrême droite la Ligue et le Mouvement cinq étoiles (M5S) de l’ex-comique Beppe Grillo se sont mis d’accord pour former le prochain gouvernement.

Di Maio, le représentant du M5S, avait déjà fait la preuve de sa bonne volonté. Lui qui déclarait fin 2017 « Je suis Napolitain et je ne discuterai jamais avec un parti (la Ligue) qui, il y a peu de temps encore, souhaitait voir le sud de l’Italie englouti par le Vésuve », a fini par trouver du charme à la Ligue, y compris à ses thèmes les plus anti-Europe et anti-migrants, qu’il a repris pendant la campagne, dans une version un peu moins xénophobe il est vrai. Les tractations entre les deux partis portent bien plus sur le partage des postes et du pouvoir entre eux que sur les idées ou le programme.

Le succès électoral de ces deux partis qui, chacun dans son genre, se présentaient comme opposés au système, traduit avant tout le dégoût des classes populaires pour la politique des partis traditionnels et leurs politiciens corrompus. À commencer par le Parti démocrate de centre-gauche, alliance des débris du Parti communiste autodétruit et des restes de la Démocratie chrétienne. Au pouvoir ces dernières années, il a fait passer les mesures antiouvrières les plus dures, comme le Jobs Act, équivalent de la loi travail, achevant de désorienter politiquement une classe ouvrière dont le niveau de vie ne cesse de chuter. Condamnés à la précarité, au travail au noir, les travailleurs italiens subissent également une hausse dramatique des accidents du travail – plus de 160 morts au travail depuis le début de l’année – qui va avec la dégradation des conditions de travail. Rien que ces derniers jours, dans une aciérie de Padoue, quatre ouvriers ont été gravement brûlés, l’un d’eux sur 100 % du corps, par une coulée de métal en fusion.

Le désarroi et le dégoût des classes populaires ont fait du M5S le premier parti du pays et de la Ligue le plus important à droite. Pendant la campagne électorale, ils ont rivalisé de démagogie et n’ont pas été avares de promesses à destination de l’électorat ouvrier. Ainsi, le M5S parle d’attribuer un revenu citoyen à tous, ce qui n’a pas manqué de susciter des espoirs, en particulier dans le sud du pays où le taux de chômage explose. Il affirme également vouloir réintroduire l’article 18 contre les licenciements abusifs. Salvini, le dirigeant de la Ligue, n’est pas en reste : il s’est engagé à abolir la loi Fornero, qui recule l’âge de départ en retraite et, comme Di Maio, à supprimer le Jobs Act. Des promesses qui resteront bien sûr lettre morte, aucun de ces deux partis ne souhaitant s’en prendre aux intérêts du patronat, les deux célébrant au contraire « la volonté d’entreprendre et de réussir » de tous les honnêtes travailleurs italiens, dont, pour eux, les patrons font bien sûr partie.

Laissant les politiciens faire leur travail de bonimenteurs, les représentants du grand patronat ont justement établi la feuille de route du futur gouvernement. De l’argent et des lois donnant toute latitude à l’exploitation, c’est en substance ce qu’a revendiqué la Confindustria, le Medef italien, en déclarant qu’il fallait garder et approfondir les réformes « modernisant l’Italie », tout en envisageant de « libérer 250 milliards d’euros de ressources en cinq ans ».

Si on ne connaît pas encore le nom du futur président du Conseil et le programme du futur gouvernement Ligue – Mouvement cinq étoiles, on sait d’avance qu’il mènera la vie dure aux travailleurs et aux classes populaires : c’est ce dont la bourgeoisie a besoin pour garantir ses profits.

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